Puisque vous avez été bien sages, tonton Laurent va vous raconter une belle histoire…

Il était une fois…

 

 

Coursegoules, un petit village de l'arrière pays niçois, perché sur un éperon rocheux. A l'époque (nous sommes dans les années 60), la route escarpée qui mène au village, après avoir passé le col de Vence, est un mince ruban poussiéreux qui serpente entre des falaises à pic. Il n’y a plus de diligence depuis une quarantaine d’années mais on se demande s’il ne va pas en déboucher une au prochain virage…

Trois adolescents, Alex, Jean-Marc et Laurent, passent là leurs vacances et leurs week-ends, à nettoyer le crottin des chevaux du ranch, chercher des fossiles, reconnaître chaque recoin de la montagne sauvage à laquelle le village est adossé (cette montagne s’appelle le Cheiron). L'un des ados a reçu en cadeau d’anniversaire une guitare, les deux autres avaient justement chacun un harmonica… C’est là que commence une histoire qui se poursuit aujourd’hui, 45 ans plus tard.

 

(photo : Françoise Beauseigneur-Chaillan)

 

 

La création de la COMPAGNIE SO WHAT, en 1994... (photo : Claude, Annie FIORETTI)

 

 

 

Accompagnés d'un quatrième larron, Jacques, les trois ados sont d’abord devenus un groupe d’harmonicas, style trio Reisner (s’il en reste qui s’en souviennent). Devenus grands, ils ont arrangé pour trois voix, une guitare, un banjo et une contrebasse des chansons de Trenet, Brassens, Vian, Lapointe, qu’ils ont baladées de MJC en cafés théâtres, sans en attendre autre chose que le simple plaisir de la scène et surtout, le plaisir d’être ensemble. Au passage, ils ont fait quelques rencontres furtives avec le jazz : quelques soirées new-orleans avec les haricots rouges, dont le leader a des attaches à Coursegoules. Puis, à la suite de l'écoute des fulgurances des dernières années Coltrane, un petit flirt direct avec le free-jazz. Ensuite, retour à la chanson. Entre temps, le fils d’autres amis d’enfance, Cédric, dit " le petit " parce qu’on l'a vu naître, est devenu batteur de jazz et l'idée vient aux trois anciens ados (devenus, c’est vrai, de très vieux ados…), de travailler un peu plus proprement un morceau de jazz. Ce travail initial a été facilité par la découverte du beau livre de Jacques Siron, " La Partition Intérieure ", qui est à la fois une sorte de traité d’harmonie et d’improvisation et une déclaration d’amour lyrique au jazz. Quelques mois de débroussaillage, des premiers balbutiements sur des thèmes de Monk, Parker, Coltrane, Miles… Des premiers contacts avec le Bar des Oiseaux, dans le Vieux Nice… Et puis flûte. Comme pour beaucoup de groupes de jazz (quelque soit leur niveau), il n’est pas facile de trouver un public. Et si on se créait notre " lieu " ?

 

 

Alex et Jean-Marc, deux membres du trio initial, qui entre temps ont fondé famille, habitent une grande maison ancienne de La Gaude, un autre village, plus proche de la côte. Dans cette maison, il y a deux caves voûtées, dévolues à une activité sacrée : la préparation et la conservation du vin qu’ils font eux-mêmes. Et si l'on rassemblait le pinard dans une cave pour aménager l'autre en cave de jazz ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Quelques travaux, un peu de sueur, beaucoup de passion et… toujours un énorme plaisir. Nous sommes en 1996. Ainsi est né le So What.

Le So-What vide...

 

 

Notre vieille (hélas) expérience nous fait partir directement du côté associatif. Toutes les rencontres que nous avions faites, au fil des années, avec de vieux chanteurs aigris, dans des arrière-salles glauques, nous ont appris au moins une chose : il n’y a que peu d’espoir d’aller vers un professionnalisme qui ne se transforme pas en galère. Par ailleurs, chacun de nous a ses arrières professionnels assurés. Pourquoi s’enfoncer dans les ennuis alors que l'on peut très bien n’avoir que les bons côtés ? Du coup, " l'Association pour la Diffusion du Jazz ", créée sous forme de gag à Coursegoules en 1967, est relancée. Une soirée par mois, avec un set du groupe, quelques spectateurs éparpillés dans une salle heureusement suffisamment petite pour qu’ils ne se sentent pas trop perdus… Une idée forte : créer un bulletin de liaison, tous les deux mois, avec un édito souvent un peu provocateur, le programme des activités, le compte-rendu des soirées, une discographie… des recettes de cuisine et beaucoup de photos. Côté médias et contacts, n’oublions pas le net, qui commence déjà à intéresser beaucoup de monde.

 

Le logo du So What
créé par Magali LAPCHIN

 

 

Petit à petit, la mayonnaise prend. Le groupe s’étoffe. Au noyau initial (Alex Benvenuto, clarinette basse, Laurent Lapchin, guitare acoustique, Jean-Marc Laugier, contrebasse et Cédric Fioretti, batterie) se joignent Henri Roger, longtemps pianiste de Catherine Ribeiro et que l'on retrouve par hasard, après avoir quelquefois joué avec lui dans les années 70, et José Sérafino (guitare électrique) ainsi, pour quelques thèmes, que sa femme Sophie, à la voix. Le groupe des 4'Z'Arts devient ainsi la COMPAGNIE SO WHAT. Plus tard, José sera remplacé par Thomas, au sax soprano, qui fera un bout de chemin, quelques années, avec la Compagnie avant de monter son propre groupe. Mais tout le monde à toujours grand plaisir à se retrouver pour un boeuf, voire un spectacle ponctuel. De 1999 à 2007 (le dernier en date), la Compagnie So What enregistrera 5 CD et écrira de conserve le premier roman policier bilingue (franco-niçois) : "E Aloura !" (éditions Serre).

 

La "Compagnie So What", en 1999

 

De gauche à droite : Henri Roger (p), José Sérafino (g), Cédric Fioretti (bat), Alex Benvenuto (Cl. Basse), Jean-Marc Laugier (ctb), Laurent Lapchin (g)

Le So What accueille de plus en plus de spectateurs. Ils reviennent. Convaincus par l'atmosphère. Quelques boeufeurs débarquent. Et puis, le déclic : un journaliste de passage transmet l'info à Jazzman qui classe le So What parmi les 50 lieux où il fait bon vivre le jazz en France. Du coup, de plus en plus d’adhérents mais aussi de plus en plus de musiciens, et des très bons, fréquentent les lieux ! Nous avons alors mis au point la formule actuelle : toujours une fois par mois (le dernier vendredi et, désormais, le dernier samedi), avec un set de la Compagnie So What, un set d’un groupe invité (c’est-à-dire non payé mais nourri et défrayé s’il vient de loin) et un bœuf qui est une partie importante de la soirée. A propos, quand je dis nourri, çà n’est pas une parole en l'air : Alex est très fin cuisinier, auteur de livres de cuisine niçoise, et d’ailleurs, comme le disait Saufi (sur le regretté site Central Jazz), " N'est-ce pas là le vrai bonheur que d'écouter, jouer, aimer le jazz en goûtant des recettes niçoises succulentes ? ".

 

Le So-What plein...

 

Un boeufs au So What...

Alain Vallauri, Xavier Sauze, Frank Taschini (ténors), Renaud Le Dantec (p), Jacques Ferrandez (ctb), Linus Olsson, José Sérafino (g)

 
A gauche : Mille Sabords au So What (Jacques Ferrandez, ctb, Frank Taschini, sax)

A droite : François Chassagnite dans nos murs.

 

En 97, juste pour voir, nous avions organisé un mini-festival , basé sur deux idées : donner une occasion d’expression de plus à la richesse régionale en musiciens de jazz, richesse que nous découvrions avec une certaine surprise, et associer le jazz avec un autre thème, ayant pour point commun le plaisir et le feeling. Cette première année, ce fut jazz et cinéma. Avec des concerts (dans une jolie salle polyvalente de La Gaude), alternant avec des court-métrages sur le jazz. C’était en Juillet, en même temps que toutes les grosses machines-festivals de la Côte et d’ailleurs.

 

Les débuts des Rencontres de Jazz de La Gaude...

Volume 5 aux Troisièmes Rencontres de Jazz de La Gaude (Déc. 99) (Renaud Le Dantec, p, Laurent Six, ctb, Xavier Sauze, batt, Alain Vallauri, ténor, Linus Olsson, g)

 

 

 

En 99, changement de thème : " jazz et polar " , avec des auteurs de polars et de BD tous passionnés de jazz. Nous faisons connaissance de l'association des passionnés de polars de la Noir'Rôde, avec Corinne et Jacques qui resteront toujours amis fidèles de la Compagnie. Changement de saison aussi : puisqu’il y a, paraît-il, 14000 festivals (de tout) en France en Juillet-Août, le nôtre se fera mieux entendre hors saison. Et puis, il faut démontrer à tous ceux qui disent que le jazz n’existe pas dans la région en dehors des grands festivals qu’ils ont tort (hélas, ils ont souvent raison pour les pros, qui tirent la langue s’ils ne veulent pas faire de variette). Donc, cap sur Novembre. Côté musique, le niveau monte mais le succès également ! Pour les " Rencontres 99", les deux soirées sont à guichet fermé. L'ambiance est chaude, chaude. Le boeuf final, après le dernier concert, se fait au So What, jusqu’au petit matin.

Pour l'édition 2000, dont le thème est : jazz et bio (nous voici revenus au bien-manger), une autre innovation : la création des Trophées de Jazz de la Côte d’Azur. L'idée est toujours la même : faire vivre le jazz dans la région, en montrer la richesse en excellents musiciens, qui pour autant ne vivent pas forcément de leur musique. Suivront, en 2001, jazz et cinéma puis, en 2002, jazz et fleurs, avec la complicité des horticulteurs gaudois et de l'Inra. En 2003, ce sera jazz et vin... Et ainsi de suite. Au fil des années, les "Rencontres" s'étoffent et se diversifient. Y sont associés les enfants des écoles et collèges de La Gaude et de la région. La durée s'allonge, les lieux de concert se multiplient dans le village... Mais le plus simple, pour découvrir tout cela, est de parcourir notre site, truffé de photos souvenirs, car la musique et l'ambiance du So What rassemblent aussi les photographes, notamment un autre infatigable compagnon de route : Gérard Demonchy.

Ainsi va le jazz au So What. Mais souvent, les trois anciens ados se retrouvent dans la cabane qu’ils ont aménagée dans le Cheiron, à deux heures de marche du premier village, au milieu des biches et des sangliers, pour chercher quelques morilles au printemps ou des sanguins à l'automne, et composer quelques thèmes. Elle est pas belle la vie ?

 

ASSOCIATION POUR LA DIFFUSION DU JAZZ
" SO WHAT "
Alex BENVENUTO
Villa Lou Pantai
06640 La Gaude
Tél. : 04-93-24-42-56

email : assowhat@free.fr

 

Le Cheiron...

Premier Mai dans la cabane du Cheiron (de gauche à droite, Laurent, Jean-Marc et Alex)

 

 

Les morilles

Quelques morilles du Cheiron, cueillies (et mangées) le Premier Mai

 

 

(photo : Michel Bertaina)