JUIN 2019

L'édito d'Alex - Anarcho-Jazz : Fête de la Musique, Esprit es-tu las ?

Vous souvenez-vous du slogan donné en 1982 à Jack Lang par Maurice Fleuret, alors directeur de la musique : "La musique partout, le concert nulle part" ?
Sûr que la spontanéité de l'événement à ses débuts, ne donne plus le La du 21 juin......

 

Fête (?) de la Musique

...Avant, on se pointait à la dernière minute devant les studios de TSF place Saint-François en vieille ville. On tirait une ligne électrique et c'était bon : on pouvait jouer dans une ambiance de kermesse improvisée. À l'arrache. "Faites de la musique !", matraquaient les premiers spots radio. Trente-sept ans après, la Fête de la musique a perdu son esprit d'origine et est organisée par les municipalités dans les grandes villes et/ou les restos dans les autres. Comme ça on fait le plein !
Les grosses municipalités installent des grosses scènes, et invitent des artistes professionnels (avec la bénédiction de la Sacem, des radios et des télévisions). Et cela a tué la pratique amateur.

La Fête de la musique, maintenant institutionnalisée est devenue un bien marchand comme les "fêtes des mères (et des pères, et des grands-mères...)".
Alors pour la Compagnie So What... c'est le seul jour de l'année où l'on ne joue pas.
De l'anarcho-Jazz en quelque sorte !

L'esprit d'origine a disparu. Banjo à la main, trompette aux lèvres et flûte au bec, les musiciens du dimanche ne sont plus bienvenus et les écoles de musique s'abstiennent !
C'est un peu comme le off de Marciac (ou de la plupart des grands Festivals), devenu institutionnalisés et réservés à une élite parisienne.
Il existe même un agenda officiel de la Fête de la musique.

En saisissant en ligne, sur celui-ci les concerts programmés le 21 juin, vos événements seront répertoriés sur la base nationale de la manifestation.
En 2017, la "coordinatrice nationale" de la Fête de la musique expliquait savamment : "La spontanéité, c'est bien, mais il faut éviter la cacophonie, surtout quand il y a beaucoup de groupes à vouloir jouer". Et cette année, elles sont deux pour coordonner l'interprétation de l'hymne à la joie. Pôvre Beethoven.
Allez, soyons optimistes. La baisse des subventions pour les manifestations culturelles va peut-être donner un regain d'intérêt à l'esprit d'origine de cette fête. Cette année, il faut imprimer les affiches soi-même sur le modèle "national". Et le manque d'argent fera peut-être de nouveaux jouer des amateurs et des bénévoles, notamment le 21 juin. Un mal pour un bien comme dirait Nietzsche !


Alex.

 

 

MAI 2019

L'édito d'Alex - "Le Jazz est une improvisation au passé simple"

Une conversation entre musiciens en fin de repas au So What sur les subtilités respectives de la conjugaison en français, italien ou niçois se termina par la réflexion ci-dessous, inspirée d'une phrase entendue dans une interview télévisée de Raphaël Enthoven.....

Thelonious Monk par Jean-Pierre Leloir

...On n'utilise plus le passé simple en français, mais le passé composé.
On ne dit plus "Que fis-tu ?", mais "t'as fait quoi ?". Ou encore "mangeas-tu?", mais "as-tu déjà mangé ?".
Et ce n'est pas du tout pareil.
Prenez par exemple la phrase suivante :
"Il improvisa.
Il connut la mélancolie du blues, le trac avant de jouer, le piano déréglé, le plaisir des applaudissements.
Il s'arrêta de jouer".

Mettez-la au passé composé :
"Il a improvisé.
Il a connu la mélancolie du blues, le trac avant de jouer, le piano déréglé, le plaisir des applaudissements.
Il s'est arrêté de jouer".

Voilà !
En un temps, vous avez fait disparaître la tristesse du blues, le stress et la joie d'un passage en public, l'imagination du récit. On passe du récit à la discussion de comptoir.

Passé simple et passé composé ne disent pas la même chose. On passe de la durée au SMS, short message service, ou letra estrecha en nissart. Il improvisa... mais combien de temps... un piano complètement déréglé ou une note à peine bleue... Le passé simple nous offre la nappe et le couvert, la durée sage et la minute heureuse. Le passé composé est le temps du bla-bla, des coups de téléphone à l'atterrissage du Paris-Nice (je suis arrivé, qu'est ce qu'on mange ce soir ?), ou des diapos de vacances qu'on présente aux voisins.
En disparaissant de notre vocabulaire, le passé simple estompe la manière de dire beaucoup de choses en peu de mot.

Le Jazz, lui, doit rester une improvisation au passé simple, dire beaucoup de choses en peu de notes, laisser filer l'imagination du musicien et la sensibilité de l'auditeur, extraire le plaisir des instants passés.
Pas si simple !


Alex.

 

 

MARS-AVRIL 2019

L'édito d'Alex - "Comprendre avant de juger"

Le blues (et même le Jazz en général) est-il nostalgique ou mélancolique ?
La nostalgie, étymologiquement, c'est " la douleur du retour ".....

BB King par Emanuele Vergari

...C'est quelque chose que l'on regrette et qui est à jamais disparue. Un amour ou la jeunesse. C'est la tragédie d'Ulysse. Tant qu'il est loin de chez lui, tant qu'il a " la nostalgie " d'Ithaque tout va bien. Une fois arrivé avec pour tout avenir la vieillesse dans un décor connu sans la beauté du souvenir, il comprend que c'est au moment d'arriver qu'il a tout perdu.
La mélancolie, c'est " la bile noire ". Elle n'est pas précise comme la nostalgie. C'est une tristesse sans origine, une cause perdue. Contrairement à l'Odyssée, c'est un exil sans terre natale, le gout de voir un tableau dans un seul de ses détails, d'entendre une improvisation dans une seule note de trompette ou de saxo, dans le début d'un tempo de batterie ou la plainte d'une clarinette, dans une attaque de contrebasse ou un simple accord de guitare suggéré. C'est substituer les petites choses aux grandes causes.
Bref, c'est comprendre avant de juger !
Toute la philosophie du Jazz est là, même lorsqu'il est jubilatoire. Comprendre avant de juger !

Alex.

 

 

FEVRIER 2019

L'édito d'Alex - Le plus grand des petits musiciens

Il y aura vingt ans cette année que Michel Petrucciani est passé dans un monde meilleur, et, selon une formule célèbre, depuis sa mort, chaque année il joue un peu mieux...

Michel Petrucciani, par Jean Ber

...A chaque anniversaire qui tombe un peu rond, le 5e, le 10e, le 15e, le 20e, on publie de nouveaux enregistrements, concerts, livres, de et sur Petrucciani, dont le génie jazzistique et pianistique continue à faire la fortune des marchands de CD et producteurs de concerts. Mais aussi et surtout, l'émerveillement des amateurs de piano et de Jazz. " Il est comme l'Acropole, ai-je entendu un jour sur France Culture (ou RCF ?), il est encore plus beau depuis qu'il est en ruine ? ". Et ce n'était pas seulement un bon mot, c'était un hommage à un jazzman dont la carrière fut, tout compte fait, assez brève, plus brève encore si on ne compte que les années où il occupa le devant de la scène. Il n'est pas certain que si Michel Petrucciani était encore de ce monde, il laisserait diffuser en public tous les concerts " en hommage " qui vont fleurir.
Il n'est pas sûr que, s'il revenait sur terre, ne serait-ce que pour vingt-quatre heures, il ne se moquerait pas de ces adorations que l'on va déverser sur lui, et de tous ces articles où l'on va le diviniser.
En voilà bien une de vacherie de la gloire. On vous laisse mourir et puis, vingt ans après, on baptise une place à votre nom. Enfin, pas tout à fait, car la ville de Toulon où il est resté jusqu'à dix huit ans baptise tous les jours de nouvelles rues, mais pas de rue Petrucciani. Pour un symbole, ce serait un symbole. Cela dit, Michel Petrucciani n'a pas besoin d'une place à son nom pour qu'on se souvienne de lui.
Je n'en dirai pas autant de tout le monde.

Alex.

 

JANVIER 2019

L'édito d'Alex - Aldo Romano : la musique me sauve

Certains d'entre vous ont eu la chance d'écouter Aldo Romano lors des Rencontres de Jazz de La Gaude. Pour mieux comprendre cette soirée, il faut également lire son superbe livre sorti il y a seulement deux ans : " Ne joue pas fort, joue loin "...

Aldo Romano - Jazz sous les Bigaradiers 2018 (photo : L. Lapchin)

...L'histoire d'un fils d'immigrés italiens, destiné à gagner sa vie sur les chantiers, et qui deviendra l'un des plus grands batteurs de Jazz de sa génération. Il y parle de ses rencontres, de la fragilité humaine, de la peur qui est là, sans cesse. Lisons ensemble son introduction :
" Peur de la mort. Peur de la vie. Mon double est là, penché à mon oreille.
Depuis tout môme, j'écoute mon cœur, tic-tac d'une pendule inexorable. C'est une torture comme l'hyperacousie de La chute de la maison Usher d'Edgar Poe. J'ai tout essayé pour ne plus sentir cette pulsation qui ne me quitte pas. Les cardiologues, les psys, la méditation, les tranquillisants, rien n'y fait. A tel point qu'à certains moments je prends le pouls des gens autour de moi, j'aimerais qu'ils aient la même phobie, ne pas être seul. Mais les gens n'écoutent pas leur cœur toute la journée, hein ? Il y en a sûrement, mais pas comme ça !
Thérapeutique sans pareille, la musique me sauve... Pour combien de temps encore ? "


Alex.

 

NOVEMBRE-DECEMBRE 2018

L'édito d'Alex - Les puristes et Chet Baker

Le 25 novembre 1986, le cinéaste français Bertrand Fèvre a filmé Chet Baker à Paris, en un noir et blanc magique, beau comme une catastrophe...

Photo : Chet Baker par John Claridge

...Le court métrage dure neuf minutes et demie et s'intitule Chet's Romance. C'est l'un des plus beaux films musicaux de tous les temps.
Il avait été projeté pendant les Rencontres de Jazz de La Gaude, lors d'une des toutes premières coopérations avec les Journée Cinématographiques de Vence.
Chet Baker place son micro dans le pavillon de sa trompette. Il joue comme il chante, dans un souffle court et sans fin. Certains spectateurs l'ont trouvé triste mais ils se trompent. Il n'est pas triste puisqu'il joue dans un legato qui parait simple à qui n'a jamais joué de Jazz. Chet est mélancolique. Il refuse les facilités de la virtuosité.
Les puristes font la gueule : un trompettiste qui chante. Mais les puristes font toujours la gueule. A talent égal, ils préfèrent toujours ceux qui font aussi la gueule, comme Miles Davis. Et les puristes n'ont rien compris, pourtant ce n'est pas compliqué. Si Chet Baker peut prendre un solo à la suite de sa propre voix, c'est qu'il joue de sa voix comme d'une trompette... et réciproquement. Il souffle la voix et fredonne à l'instrument. Il chante et se double à la trompette. Ou bien, c'est l'inverse, on ne sait jamais. Et ça emmerde les puristes !


Alex.

 

SEPTEMBRE-OCTOBRE 2018

L'édito d'Alex - Flaveur du jazz

Les œnologues distinguent pour caractériser la complexité d'un vin la robe, le nez, la bouche. Et la bouche comporte trois temps : l'attaque, le milieu, la finale...

Photo : Philippe Dobrowolska

...Ces finesses de langage correspondent à une finesse pratique du sensible et sont un salutaire appel à la lenteur des dégustations, qu'il n'est aucune raison de ne pas étendre au Jazz. On ne peut faire autrement en écoutant un morceau que de déguster le thème, l'improvisation, et le final. Pour qu'un public puisse déguster un morceau, il faut que les trois soient réussis et travaillés.
La sensation ne nous arrive jamais pure, ou si rarement. On sait que la dégustation d'un vin, d'un plat, ou d'un morceau de Jazz implique toujours plus d'un sens. La vue n'y est jamais étrangère, et c'est cela la force du concert " live ". Pour bien comprendre, essayez l'expérience étonnante qui consiste à gouter à l'aveugle toutes sortes de plats… ou à fermer les yeux longtemps pendant un concert.
Pour désigner cela, les gastronomes pourraient user d'un vieux mot français : flaveur, qui inspira flavour, la saveur en anglais. Les œnologues s'en servent déjà pour désigner la combinaison des sensations procurées par notre langue, avec celle qui atteignent notre nez par l'arrière bouche. Un morceau de Jazz se déguste avec les yeux autant qu'avec les oreilles, et pourquoi pas les odeurs du club de Jazz (y compris l'odeur des instruments des " soufflants ") ou de la salle de concert.
La haine petite-bourgeoise à l'encontre des finesses de vocabulaire, de sensation des amateurs de vin ou de Jazz (cela va souvent ensemble) et, d'une façon générale, à l'égard de toute différence, est proprement terrifiante.


Alex.

 

JUILLET-AOUT 2018

L'édito d'Alex - le jazz est une drogue : la dopamine

La musique en général et le Jazz en particulier peuvent déclencher en nous pléthore d'émotions. Que se passe-t-il dans notre cerveau à l'écoute d'un morceau qui nous touche ?...

Photo : Inserm

...Serrement de gorge, euphorie, ou irrésistible envie de battre la mesure avec le pied... L'écoute de la musique de Jazz engendre dans notre cerveau des pics de dopamine et d'opiacés naturels, exactement comme pour un coureur de fond.
Hélas, nous ne sommes pas tous égaux face au frisson musical ! Certaines personnes dites amusiques sont incapables de décoder correctement la musique, de distinguer la mélodie, le rythme… et du point de vue de la mémoire, elles ne peuvent pas se rappeler un air. Du coup, elles n'éprouvent pas d'émotion vis à vis de la musique.
Il existe un autre symptôme, l'anhédonie, qui se manifeste par l'incapacité à ressentir des émotions : on peut trouver des gens qui ne sont pas amusiques, mais quand on mesure leur réponse à l'émotion, on s'aperçoit qu'ils n'en ont aucune. Alors qu'à l'inverse, certains sujets sont très sensibles à la musique, et vont avoir les larmes aux yeux après cinq secondes de musique triste.
Enfin, au-delà du plaisir émotionnel, il existe un plaisir purement esthétique. Il est beaucoup plus intellectualisé, et lié à une expertise. C'est le plaisir de l'esthète, de celui qui a eu un apprentissage et connaît de nombreuses œuvres, qui les a étudiées, comparées : Le mélomane de jazz averti, qui va dire en entendant tel solo de Sax : "Ah oui, c'est super interprété, il nous la fait à la Coltrane, tout en mettant sa touche personnelle..." Ce n'est pas incompatible avec le plaisir émotionnel, mais il y a en plus l'acquisition d'une grille d'analyse qui permet d'éprouver un plaisir très esthétisé. Pour le coup, les mécanismes cérébraux en jeu ne sont pas tout à fait les mêmes, mais le résultat, si : on arrive à la récompense suprême, la libération de dopamine.
Extrait de l émission de Jazz " comme à la radio " sur RCF Côte d'Azur


Alex.

 

 

MAI-JUIN 2018

L'édito d'Alex : mai 68 et jazz à Nice ?

A un journaliste de France 3 qui me demandait de raconter mai 68 à Nice, j'ai rappelé qu'à cette époque on disait : les commémorations, c'est pour les vieux cons...

...Nous en sommes aujourd'hui des preuves vivantes.
Aussi, on ne va pas vous raconter mai 68, mais un épisode oublié de grève de la faim en février.
En 1968, l'université niçoise n'a que 4 ans et compte moins de 10 000 étudiants. Mais a une croissance rapide de 25 % en quelques mois. Près de la moitié des étudiants sont en Lettres, le reste se répartit en Droit et Sciences Eco, et en Sciences. Le 10 février éclate une grève dans les restos U. Le 21, les pourparlers avec le CROUS à propos des Résidences Universitaires échouent. RU où, chose impensable aujourd'hui, il n'y a pas de libre circulation entre secteurs des filles et des garçons. Les mœurs ont évolué plus vite que les règlements. Bref la marmite bout. Résultat ? Une mi-spectaculaire mi-comique grève de la faim. Et 5 000 repas expédiés aux poubelles. Le recteur Robert Davril se fâche. Le resto de Montebello en fac de Sciences est fermé jusqu'au 13 mars. L'UNEF pétitionne. Le 20 mars, une bagarre oppose étudiants de gauche et de droite devant le parvis d'une fac de lettres dont le chantier n'est pas terminé.
L'épisode est révélateur d'un contexte niçois particulier : il n'y aura quasiment pas d'affrontements policiers-étudiants mais des bastons récurrentes entre UGEN de gauche et AGEN de droite. Fac de Lettres contre fac de Droit ? Pas tout à fait car il y aura des soirées jazz et chansons dans le grand amphi de la fac de Droit avec projection du Cuirassé Potemkine et le jeune orchestres de Jazz, et chansons (et harmonica) des 4'Z'Arts, un jeune groupe plein d'avenir... C'est un printemps de créativité dans les facs.
1968 c'est aussi l'apothéose de la créativité d'un autre géant du jazz, le multi-instrumentiste Roland Kirk. Trois saxophones suspendus à son cou dont il joue à l'unisson ; une paire de flûtes qui sortent de son corps, dont l'une qu'il utilise en soufflant avec son nez ; divers gongs, sirènes d'alarme et autres objets sonores qu'il ajoute pour varier les tonalités et les textures de son jeu… Et avec tout cela, une musicalité remarquable, qu'il interprète des morceaux rapides ou des ballades. Roland Kirk était un musicien exceptionnel. En juillet de cette année là, il est au festival de Newport et rend hommage à sa manière aussi bien à John Coltrane qu'à Bessie Smith.




Alex.

 

 

MARS-AVRIL 2018

L'édito d'Alex : "printemps à Monte-Carlo, hiver à La Gaude !"
Devenir tolérant en découvrant ce qu'on ignore

Marc Monnet conclut sa présentation du Printemps des Arts de Monte-Carlo 2018 par ces quelques phrases :

Le Printemps des Arts est un outil de culture....

Photo : Marc Monnet par Franz Chavaroche

...Pour aimer la musique et pour devenir tolérant en découvrant ce qu'on ignore
Le Printemps des Arts est un outil pour tous
Pour ouvrir les jeunes à la musique sous toutes ses formes
Pour écouter le passé et l'avenir
Pour former le public

Avec un simple copier-coller, cela pourrait devenir un credo de Jazz :

Jazz sous les Bigaradiers est un outil de culture.
Pour aimer la musique et pour devenir tolérant en découvrant ce qu'on ignore
Jazz sous les Bigaradiers est un outil pour tous
Pour ouvrir les jeunes à la musique sous toutes ses formes
Pour écouter le passé et l'avenir
Pour former le public




Alex.

 

JANVIER-FEVRIER 2018 (bis)

Pour la nouvelle année, oui au Jazz

" Pour la nouvelle année. Je vis encore, je pense encore : je dois encore vivre, car je dois encore penser. Sum, ergo cogito ; cogito, ergo sum. Aujourd'hui,...

...chacun ose exprimer son vœu et sa pensée la plus chère : soit ! Je veux donc dire moi aussi ce qu'aujourd'hui je me souhaitais à moi-même et quelle pensée a cette année été la première à traverser mon cœur - quelle pensée doit être le fondement, la garantie et la douceur de toute pensée à venir ! Je veux toujours plus apprendre à voir la nécessité dans les choses comme le beau - ainsi serai-je l'un de ceux qui rendent belles les choses. Amor fati : que cela soit à présent mon amour ! Je ne veux mener aucune guerre contre le laid. Je ne veux pas accuser, je ne veux pas même accuser les accusateurs. Que détourner le regard soit mon unique négation ! Et, en tout et pour tout, et en grand : je veux, en n'importe quelle circonstance, n'être rien d'autre que quelqu'un qui dit oui. "

Bon, ce n'est hélas pas de moi, mais de notre philosophe préféré, celui qui a écrit la devise du So What : " sans la musique, la vie serait une erreur ".
Et oui, Nietzsche a écrit un aphorisme sur la nouvelle année !
En un seul aphorisme, écrit après des " nouvel an " tragiques, où la joie a côtoyé la maladie, le miracle la catastrophe, en un seul aphorisme écrit en 1883 à Nice, au moment de la rédaction du Gai savoir, Nietzsche dit ainsi un grand " oui ". Il y a peu à ajouter à partir de ces superbes lignes... si ce n'est deux ou trois choses à demander à Nietzsche : comment faire de ce " oui " un véritable acquiescement ? Et à quoi ? A quoi dire oui, à quelle nouveauté, s'il s'agit " encore " de vivre, " encore " de penser, ou " encore " de jouer du Jazz ?
Nos amis, mauvaises langues et philosophes, n'ont pas tout à fait tort : quand on fait des vœux, on souhaite la santé, le bonheur, la réussite, etc., et quand on fait ces vœux, on ne les choisit pas, on les souhaite seulement...
Nietzsche ne vous délivrera pas une recette pour faire de ce nouvel an le début d'un grand oui. En revanche, il garde des fêtes musicales de fin d'année avec Wagner, à Tribschen, le souvenir d'une " intimité confortable ", pas celle qui endort et anesthésie, mais celle d'une heureuse impression, qui tranche et frappe dès qu'elle se rappelle à nous. Ce grand oui est sûrement celui tourné vers cette impression qu'on aimerait retrouver, mais si elle ne se répète pas... eh bien, on dira quand même oui.
Oui à la musique en général, ... et au Jazz et à l'amitié en particulier.



Alex.

 

JANVIER-FEVRIER 2018

L'édito d'Alex : de la contrainte nait la liberté

Trois réflexions en forme d'aphorisme sur le Jazz pour commencer l'année !
- Brassens, à qui l'on demandait pourquoi il chantait...

Photo : Jean-Victor Hocquard

...aimait citer Paul Valery : " Si un oiseau savait dire précisément ce qu'il chante et pourquoi il le chante, il ne chanterait pas ".
Ben, c'est pareil pour les musiciens de Jazz, si on savait expliquer ce qu'on improvise, et pourquoi on improvise, on n'improviserait peut-être pas !

- Mais pourquoi diable ne joue-t-on pas uniquement en liberté (en free) sans toutes ces contraintes de partitions, de thèmes impossibles à mémoriser, d'accords, de nombre de mesures à compter, du carcan des arrangements, des tempos en 3/4 ou en 6/8 (que je n'ai toujours pas compris) ?
Cela me rappelle l'aphorisme que nous avait donné en dissertation un de nos profs de philo avec Laurent, Jean Victor Hocquard, immense musicologue, et qui essayait de nous expliquer la vertu des Alexandrins : " De la contrainte nait la liberté ".
C'est exactement ça nos arrangements, une contrainte que l'on se donne pour jouer plus libre.

- et pour terminer : " la scène est le lieu dans lequel on se retrouve " (aussi bien avec les musiciens qu'avec le public).
Le Jazz est échange, et c'est pour cela qu'il devient réel plaisir d'écoute lorsqu'il est en public, en live, en vrai, sur scène !

Allez, bouòna e à toutara !



Alex.

 

NOVEMBRE-DECEMBRE 2017

L'édito d'Alex : Interview fictif... quoi que !

Lorsqu'un confrère journaliste vous pose la question de la création musicale et du So What, vous lui répondez amitiés, rencontres, échanges... pourquoi ?
Dans n'importe quel véritable " groupe " de Jazz,...

Photo : La Compagnie So What par Sophie Serafino

...l'amitié lie les membres du groupe comme un gage de qualité musicale. C'est même la définition du Devil Quartet que donne Paolo Fresu (qui va passer dans le Festival " Jazz sous les Bigradiers " à La Gaude).
C'est ça aussi le So What. Un véritable groupe avec un vrai " son " de groupe. Et pourtant, certains d'entre nous (et moi le beau premier) ne sont pas de grands techniciens.
D'où vous est venue cette idée de reprendre ces compositions de Mulatu Astatke et la musique Ethiopienne ?
On les avait écoutées une fois dans la médiathèque de Sophia et oubliées, et puis Thomas est venu un jour avec une partition et un enregistrement. Nous avons commencé à la jouer ensemble... et nous l'avons fait.
Pensez-vous que la force de votre sextet se trouve dans cette faculté de jouer n'importe quel genre musical sans rien s'interdire : jazz, free, musique du monde ?
Je ne sais pas si c'est sa force, mais c'est une de nos prérogatives. Je pense que l'histoire du jazz enseigne la curiosité et l'ouverture à toutes les musiques. Chacun d'entre nous a sa propre personnalité et chacun aime tellement de choses différentes. Il me paraîtrait dommage de se réunir dans un seul et même monde musical. Cela vaut vraiment donc la peine de jouer tout ce que nous aimons.
Vous avez récemment déclaré à l'un de nos confrères " L'architecture de la musique est cette idée de travailler ensemble pendant un certain nombre d'années pour accéder à la liberté". Ce nouveau répertoire de 2017/2018 marque-t-il une nouvelle étape vers cette liberté justement ?
Le So What n'est rien d'autre que la continuation d'un parcours. Bien entendu nous avons la chance de nous être rencontrés, car les idées seules ne suffisent pas. Il est ensuite nécessaire de les réaliser et pour cela nous avons besoin de l'aide de tous. C'est en ce sens que je parle d'architecture. C'est la nécessité de poser la première pierre sur laquelle chacun doit construire quelque chose. Lorsque l'un de nous écrit une compo, on la tord jusqu'à en faire un travail commun. On peut même la réécrire en groupe ou souvent à deux pour la partie de basse.
Vous définissez votre jazz comme " une musique des confins ". Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? À quoi correspondent ces confins ?
Musique de frontière signifie ne pas avoir de frontières. Elles sont dictées par notre esprit principalement quand la musique voyage dans l'air et franchit n'importe quelle frontière. Imaginaire ou réelle. C'est là toute la beauté de la musique de Jazz, capable de dépasser les barrières. Le Jazz est une belle métaphore en réponse à cette période difficile et n'oublions pas qu'il est né du métissage de la culture européenne et africaine.
Est-ce que votre identité niçoise apporte quelque chose à votre musique ?
C'est une question que l'on me pose fréquemment. Je réponds que je ne sais pas, mais que, si je suis sincère avec moi-même, il est certain qu'une musique n'est rien d'autre que la représentation de sa propre intériorité. Et chacun possède la sienne dans le groupe de la Compagnie So What. Et mélangé, c'est cela qui fait notre énergie et notre force.

Alex.

 

 

 

 

 

SEPTEMBRE-OCTOBRE 2017

L'édito d'Alex : de Mandelbrot à Mingus


Mandelbrot est ce polonais passionné des monstres mathématiques. Il se passionne pour les formes récurrentes qui se répètent par autosimilarité à des échelles successives. Regardez une feuille de fougère, prenez-en une partie, elle ressemble à la feuille en entier et ainsi de suite...

 

Photos : Axel L-P - Marc-Edouard Nabe

...avec une partie d'une partie comme si elles étaient emboitées les unes dans les autres, comme des poupées russes.
Mandelbrot invente ainsi la notion d'objets " fractals " et tentera de trouver les équations qui régissent un chou fleur, des villages Africains, et même la forme des nuages… Ne serait-ce que pour l'étude de la forme des nuages, il mérite notre admiration.
Il tente de mathématiser le chaos et les équations de la vie dans toute son exubérance.
Jusque là, rien à voir avec le Jazz… D'accord, mais poursuivons !
Prenons maintenant la chanson Frère Jacques. Si Mandelbrot entonne l'air, je le débute à mon tour lorsqu'il arrive à "dormez-vous, dormez-vous", et Laurent fait de même lorsque j'en arrive au même point, une quatrième voix peut compléter l'ensemble. C'est une structure qui évoque les fractales, le même objet musical est repris et englobe la version précédente, et ceci peut aller à l'infini.
Il s'agit là en fait d'un " canon " : la même mélodie est répétée, "imitée" par l'entrée successive des différentes voix qui le décale et le superpose.
Et nous en arrivons enfin au Jazz avec une composition de Charlie Mingus appelée à juste titre "Canon", et l'entrée successive de plusieurs solistes reprenant le thème en contrepoint.
C'est du Jazz fractal.
Mais à la différence de Mandelbrot qui n'était pas arrivé à mathématiser le chaos, Mingus, lui, a trouvé la solution pour sortir de l'impasse du canon : à la fin du thème repris par tous les instruments, il lance une basse folle et géniale pour entamer la partie improvisée du morceau.
Et ça fonctionne.
Mingus plus fort que les mathématiciens !
Et alors ! So What !




Alex.

 

 

JUILLET-AOUT 2017

L'édito d'Alex : de la musique avant toute chose !


La musique, et en particulier la musique de Jazz improvisée, est en amont du langage.
Le langage n'est que la partie émergée de l'iceberg, l'expression d'un évènement dont la signification échappe souvent à la verbalisation.

Volatile dans le présent, l'improvisation n'existe que par le souvenir que l'on en conserve et qui permet d'anticiper avec plaisir sur la suite du morceau.
C'est l'espace entre deux notes qui génère la mélodie et lui donne vie. L'espace après le sol qui vient d'être entendu génère par exemple le si bémol à venir. L'ensemble est le début d'une mélodie et même d'une harmonie qui vaut plus que les deux notes additionnées.
Il en est de même d'un orchestre de Jazz qui, par les relations entre musiciens, les interactions avec le public, ou le lieu de l'interprétation, vaut plus que la somme des parties lorsqu'il entre en action. Joué hors les murs du So What, Lonely Woman n'est pas le même morceau.
Coltrane se souvenait de la musique comme s'il la voyait, comme s'il s'agissait d'une peinture ou d'une sculpture. Mozart et Wagner aussi dit-on.
Et c'est cela aussi la magie du Jazz.



Alex.

 

 

JUIN-AOUT 2017

L'édito d'Alex : "Una rougna de mai : Fête de la musique - Esprit es-tu las ?".


Sûr que la spontanéité de l'événement à ses débuts, ne donne plus le La du 21 juin.
Avant, on se pointait à la dernière minute devant les studios de TSF en vieille ville. On tirait une ligne électrique et c'était bon : on pouvait jouer dans une ambiance de kermesse improvisée. À l'arrache. Comme l'avait voulu Jack Lang en 1982.

 

photo : La Depêche

"Faites de la musique !", matraquaient les premiers spots radio. Vingt-huit ans après, la Fête de la musique a perdu son esprit d'origine et est organisée par les municipalités dans les grandes villes et/ou les restos dans les autres. Comme ça on fait le plein !
Les grosses municipalités installent des grosses scènes, et invitent des artistes professionnels (avec la bénédiction de nos amis de la Sacem). Et cela a tué la pratique amateur.
La Fête de la musique, maintenant institutionnalisée est devenue un bien marchand comme les "fêtes des mères".
Alors pour nous... c'est le seul jour de l'année où l'on ne joue pas.
De l'anarcho-Jazz en quelque sorte !
L'esprit d'origine a disparu. Banjo à la main, trompette aux lèvres et flûte au bec, les musiciens du dimanche ne sont plus bienvenus et les écoles de musique s'abstiennent !
C'est un peu comme le off de Marciac, devenu institutionnalisé et réservé à une élite parisienne.
Sylvie Canal, la "coordinatrice nationale" de la Fête de la musique, explique savamment : "La spontanéité, c'est bien, mais il faut éviter la cacophonie, surtout quand il y a beaucoup de groupes à vouloir jouer". Faut bien qu'elle justifie son salaire.
Allez, soyons optimistes. La baisse des subventions pour les manifestations culturelles va peut-être donner un regain d'intérêt à l'esprit d'origine de cette fête. Et le manque d'argent fera de nouveaux parler des amateurs et des bénévoles, notamment le 21 juin. Un mal pour un bien comme dirait Nietzsche !


Alex.

 

 

 

AVRIL-MAI 2017

L'édito d'Alex : "in cauda venenum".


Avec le proche printemps fleurissent les méthodes pour limiter les surcharges pondérales. Une nouvelle et originale méthode vient de sortir. C'est la méthode du " bain dérivatif ". Pour une fois plutôt réservée aux hommes.

Photo : http://www.nadegeleperlier.fr

Suivons les conseils internet :
Le bain dérivatif consiste à rafraichir de manière prolongée et exclusive le sexe en le mouillant à l'eau froide par frictions très légères à l'aide d'une éponge ou d'un gant de toilette. Le geste va de haut en bas. Le reste du corps doit être bien sec et chaud y compris les pieds.
Le bain dérivatif doit être pratiqué une fois par jour pendant dix à quinze minutes suivant votre poids. Il s'agit seulement de réaliser une légère friction, je cite "qui se rapproche le plus de l'effet produit par la langue râpeuse d'un chat".
Cette légère friction de notre intimité doit être pratiquée une demi-heure avant le repas ou une heure et demi après.
Cette pratique permet, outre la perte de poids, je re-cite "une repigmentation progressive des cheveux qui pourraient retrouver partiellement ou totalement leur couleur d'origine."
Vous pouvez aussi le faire au bord d'une rivière si vous connaissez un lieu où la solitude est garantie.
Outre la perte poids, cette pratique permettrait de soulager l'insomnie, les maux de tête, les angoisses, et de nombreuses causes d'inconfort : douleurs (dos, nuque, arthrose), boutons en tout genre (acné, eczéma, herpès, allergies), fatigue, perte de cheveux, constipation.

L'inventeur de la méthode ajoute que la principale difficulté est le manque de patience de ceux qui n'arrivent pas à se concentrer dix minutes par jour sur l'opération de friction. Ainsi, il conseille d'écouter la radio pendant qu'on se frictionne.

S'il vous plait, attendez qu'on ait rendu le micro avec Laurent et ne le faites pas pendant votre émission de Jazz préférée "Comme à la radio" sur RCF Cannes 96.8 Nice 96.6.

Alex.

FEVRIER-MARS 2017

L'édito d'Alex : Jazz et banane.


Si tu as besoin qu'on t'explique pour comprendre, cela veut dire qu'aucune explication ne pourra jamais te faire comprendre.

Photo : Klaxodessin

Enigmatique ou "intellectuel" aux yeux de beaucoup, le Jazz n'en finit pas de susciter les réactions les plus diverses. Mais il faut bien avouer que ses détracteurs les plus virulents sont souvent ceux qui le connaissent le moins.
L'autre soir à la pause pendant l'excellente prestation des Nabis au So What, je demandais à une spectatrice si cela lui donnait envie de venir à la prochaine soirée sur le Jazz de Chopin.
- Je déteste le Jazz me répondit-elle.
- Mais que n'aimez-vous pas dans le Jazz ?
- Je n'aime pas le Jazz et d'ailleurs je n'en n'écoute jamais, je n'aime que la chanson française.
Cela me fit penser à ce vieil oncle qui, venu un jour à la maison et à qui on présentait un plateau de fruits, répondit.
- Surtout pas de bananes, j'ai horreur de ça.
- Ah ! Et pourquoi ?
- Je ne sais pas, je n'en n'ai jamais mangé parce que je déteste les bananes.
Abandon par KO.
Si tu as besoin qu'on t'explique pour comprendre, cela veut dire qu'aucune explication ne pourra jamais te faire comprendre.

Alex.

 

NOVEMBRE 2016 - JANVIER 2017

L'édito d'Alex : Bain Musical

le jazz de la Compagnie So What

Parce que
La musique nait du silence
Parce que...

 

...Le Jazz nous ouvre une quatrième dimension
Parce que
Nous partons souvent à la recherche de notre âme
Parce que
Nous nous perdons souvent en chemin
Parce que
Je n'ai rien trouvé
Parce qu'
On chemine souvent ensemble
Parce qu'
On s'amuse en chemin
Parce qu'
Improviser ne peut se faire sans se poser de questions
Parce que
Chacun devrait comprendre combien il faut d'amitié pour espérer jouer cette drôle de musique

Alex.

 

 

SEPTEMBRE-OCTOBRE 2016

L'édito d'Alex : Bain Musical

Lorsque je suis bien fatigué, j'ai l'habitude de prendre un bain chaud au lieu de ma douche quotidienne.
Alors que j'étais ainsi plongé dans ma baignoire,

Mulatu Astatke (photo : le Digitalophone)

j'écoutais radio TSF qui diffusait un vieux morceau du Duke. Je n'avais pas vraiment envie de l'écouter. Cette musique ne me semblait pas idéale pour barboter dans mon bain à la fin d'une longue journée. Il est possible que certains aiment Ellington dans leur salle de bain, mais elle était alors trop passionnelle et charriait trop de tension. En réalité, je n'y prêtais pas trop d'attention. Du moment qu'il y avait du Jazz en musique de fond, cela me suffisait. Si la radio avait alors diffusé un morceau de Miles Davis de la période électrique, je l'aurais écouté pareillement sans broncher.
C'est à ce moment précis, en hommage au grand harmoniciste disparu Toots Thielemans, que la station FM, par hasard, fit entendre " I do it for your love ", morceau dans lequel Toots joue en compagnie de Bill Evans et Marc Johnson. Un morceau que Laurent venait également de programmer dans l'émission de Jazz " Comme à la radio " qui passe toutes les semaines sur RCF. Et la mélodie de Toots à l'harmonica traversa une zone vide de mon cerveau, telle une douce brise. Elle ne fit que passer. Une écoute qui ne méritait pas beaucoup d'éloges. Si l'aimable Toots avait su que je l'écoutais ainsi, il aurait froncé ses sourcils et des rides se seraient creusées sur son front. Mais il vient de nous quitter et Bill Evans a également rejoint le camp des disparus. Ainsi, je pus, sans me soucier ni de l'un ni de l'autre, me laisser porter à des méditations fantasques sur le Jazz. Merci à ces grands musiciens d'avoir laissé vagabonder ma pensée sans limite ni objet précis.
Les yeux mi-clos, c'est bon aussi d'écouter du Jazz sans vraiment l'écouter. La magie des grands interprètes. Des idées d'arrangement pour notre propre musique sont alors venues, je suis sorti du bain, j'ai éteint la radio, et je suis allé dans la cave du SoWhat travailler la partoche de " Yekermo Sew", de Mulatu Astatke, superbe morceau que nous avait déniché Thomas pour la saison à venir. On vous fera bientôt partager ce plaisir.

Alex.

 

 

JUILLET-AOUT 2016

L'édito d'Alex : silence, on joue !

Définition : dans le solfège, un silence est un moment pendant lequel n'est émis aucun son.
Dans la musique (qui n'est pas le solfège), c'est l'équivalent de la ponctuation dans l'écriture (le maître d'école, dit l'inspecteur, est un âne ; le maître d'école dit : l'inspecteur est un âne).

Il existe des silences de séparation (c'est souvent le cas de la pause), un peu tristes, et des silences plus aimables qui unissent des phrases musicales comme le demi-soupir, ce joli petit chiffre sept.
A ce propos, rappelons brièvement ce que sont les silences :
- La pause, le petit rectangle qui se balance sous le Ré, et qui vaut une ronde
- La demi-pause, qui roupille tranquille sur le Si, équivalent d'une blanche
- Le soupir, pfffhhh, que je n'arrive jamais à écrire au bon endroit, soit une noire
- Le demi-soupir, mon préféré, un petit 7 accroché au Do, une croche
Et ainsi de suite jusqu'au 32ème de soupir, correspondant à la quintuple croche, c'est-à-dire à moins que rien, et que personne n'a jamais pu interpréter.
Qu'expriment les silences pour un musicien de Jazz ?
Tout d'abord la difficulté à jouer des silences. Mais lorsqu'on y arrive, comme dans " Taise ti cavagnou " l'autre jour au Musée Matisse, ils n'ont pas un propos commun ni une même fonction. Chacun raconte une histoire différente. Courte ou longue, solennelle ou drôle, symbolique ou technique. Ils oscillent entre le performatif, le politiquement correct, le critique, l'abstrait, le poétique, le cynique, le comique, le technique, l'absurde ou l'indéterminé.
En 1907, Ferruccio Busoni décrit ainsi le silence : " Ce qui, dans notre musique actuelle, approche au plus près de l'essence de l'art est le silence et la pause. Les joueurs accomplis, les improvisateurs, savent comment utiliser leurs instruments d'une manière plus ambitieuse: le silence tendu entre deux mouvements qui laisse un cadre plus grand pour deviner un son plus déterminé. "
Après avoir pris connaissance de ce texte, Paul Hindemith proposera une œuvre qui ne comprend rien d'autre que des silences et... des points d'orgue.
Dès qu'on parle de silence, le nom de John Cage s'impose, mais " pas que "...
Reprenons la définition de John Cage : " Le silence est tout ce à quoi l'on ne prête pas attention, ce qui se situe en deçà du seuil de l'attention. Y prêter attention le rend dès lors audible, c'est l'écoute qui produit la dimension sonore du silence ". Alors qu'il était, dans la tradition musicale occidentale, pensé comme négatif du son, le silence devient positif ; ce n'est plus une absence de sons, mais l'ensemble de ceux qui échappent machinalement à notre attention.
Il compose en 1952 4'33". Trois mouvements durant au total quatre minutes et trente-trois secondes, pour un instrument ou une combinaison d'instruments.
On sait moins qu'il avait été précédé en 1949 par Yves Klein (oui, le peintre) qui avait composé " Symphonie Monoton Silence ". Deux mouvements, un accord tenu pendant 20 minutes suivi d'un silence de 20 minutes.
Et suivi par un vinyle de compilation des morceaux silencieux avec le texte de présentation suivant sur la pochette du Nothing Record, un vinyle de 1978 dont les deux faces étaient intégralement… vierges : "Chaque silence de ce disque raconte une histoire différente pour tous ceux qui détestent le rock'n'roll, la folk, le classique, le jazz, la country, l'électronique ou le blues."
Alphonse Allais musicien du silence
La meilleure définition reste celle de l'incontournable Alphonse Allais qui compose en 1897 : " Marche funèbre composée pour les funérailles d'un grand homme sourd ". Allais inclut les instructions suivantes : " Les grandes douleurs étant muettes, les exécutants devront uniquement s'occuper à compter des mesures, au lieu de se livrer à ce tapage indécent qui retire tout caractère auguste aux meilleures obsèques. "
Les silences sont-ils soumis aux droits d'auteur ?
Plus forte qu'Alphonse Allais dans l'absurde : la Sacem. Nous avons téléphoné à la Sacem sur le sujet des droits d'auteur pour un disque qui serait totalement vierge et avons reçu cette merveilleuse réponse :
"Les morceaux de silences sont soumis aux droits d'auteur dès lors qu'on peut les reconnaître à l'écoute."


Alex.

 

 

MAI-JUIN 2016

L'édito d'Alex : Jazz, Temps et Espace.

On sait depuis Herbert George Wells que le temps avance en se déformant. Le temps est uniforme en soi, mais il se transforme ou se déforme lorsqu'il est consommé. Il existe des temps incroyablement lourds et longs, d'autres légers et brefs.

Les gens disent souvent que le temps semble ralentir dans les situations de danger comme par exemple lors d'une chute de cheval, que l'on vit au ralenti.
On constate également que les années passent plus rapidement à mesure que l'on vieillit : tandis que les étés de jeunesse semblent s'étirer à l'infini, les étés de nos années d'âge mûr semblent passer en un clin d'œil.
C'est pareil pour le Jazz, tel morceau nous semble très long et tel autre très court suivant l'intérêt que nous lui portons ou la connaissance que nous pouvons en avoir. Et pourtant, ils ont exactement la même durée.
Il faudra faire l'expérience suivante un soir au So What, en public.
Nous jouerons un morceau, normalement.
A la fin du morceau, nous expliquerons comment il a été construit, pensé, et nous le jouerons une deuxième fois ... il vous paraitra plus limpide et plus court. Ainsi, l'ordre du temps se renversera et l'avant et l'après se remplaceront..
Haruki Murukami écrit que les hommes ont ordonné le sens de leur propre existence en y intégrant arbitrairement la régulation du temps. Mais les hommes n'auraient pu tenir le coup psychiquement s'il leur avait fallu accepter que le temps qui passe soit uniforme et ordonné. C'aurait été une torture. Ainsi le cerveau régule et modifie la perception du temps qui lui s'écoule sans trêve.
On fera l'expérience !

Alex.

 

 

MARS-AVRIL 2016

En trois temps trois mouvements.

Ca me rappelle la cour de récré avec Laurent en 1966, mais j'ai mis un titre musical pour justifier un Edito.

 

En fait, le point de départ est un morceau de Charlie Mingus qui, en 1972, profitait des progrès de la technique d'enregistrement pour ajouter des sons capturés à l'extérieur, comme ceux d'un éléphant dans un cirque, dans l'album "Let my Children Hear Music"...

Comment mettre un éléphant au frigo en trois temps trois mouvements ?
- Tu ouvres le frigo, tu mets l'éléphant, puis tu refermes le frigo.

Comment on fait-on pour faire rentrer 4 éléphants dans une 4cv?
- On en met 2 derrière et 2 devant.

Comment un éléphant grimpe-t-il dans un arbre ?
- Il se met sur une feuille et il attend que l'arbre pousse.

Comment fait un éléphant pour se cacher dans un champ de fraises ?
- Il se peint en rouge !

Comment fait un éléphant pour descendre d'un arbre ?
- Il reste sur sa feuille et il attend l'automne.

A quoi reconnaît-on qu'un éléphant est passé dans le frigo ?
- Aux traces de pas sur le beurre.

Comment font les éléphants pour passer incognito?
- Ils mettent des lunettes de soleil.

Avez-vous déjà vu des éléphants dans un champ de fraise ?
- Non, parce qu'ils sont bien cachés !

Comment font les éléphants pour traverser un étang ?
- Ils sautent de nénuphar en nénuphar.

Pourquoi les crocodiles sont-ils plats ?
- Parce qu'ils passent souvent sous les arbres en automne.

Pourquoi les éléphants sont-ils gris ?
- Pour qu'on ne les confonde pas avec des fraises des bois.



Alex.

 

 

FEVRIER 2016

La palme de l'édito d'Alex le plus court...

Faut pas trop penser, ça fait du mal à la musique.

 

DECEMBRE 2015

Merci à vous...

Un journaliste se posait récemment la question dans un journal régional du "pourquoi la salle de La Coupole (comme la majorité des autres lieux d'ailleurs) était pleine lors des Rencontres de Jazz sous les Bigaradiers, et des salles niçoises à moitié vides".

 

La réponse est simple, vous ne venez pas "consommer" du Jazz, mais vous nous faites confiance pour passer une bonne soirée. Tout en sachant qu'il y aura des moments festifs avec toute une salle debout, comme par exemple avec les danois du New Jungle Orchestra, et des moments plus difficiles d'écoute mais aussi extraordinaires que le son de la trompette d'Airelle Besson. Des soirées inoubliables au So What et des soirées avec une musique qui touchera moins certains d'entre vous et plus bien d'autres.
Merci à vous de nous faire confiance depuis bientôt vingt ans.
Merci à vous de nous aider à "rester nous-mêmes pour lutter contre la barbarie".
Merci à vous d'être amis sur Facebook... mais aussi dans la vraie vie.
Merci à vous d'être plus de 60 000 à être venus sur notre site.
Et
Merci à vous... de payer vos cotisations pour l'année 2016 pour continuer à prendre du plaisir ensemble.

A se reveire l'an que ven, e d'aquì-en-la, tenes-vi ai branca!

Alex.

 

SEPTEMBRE-OCTOBRE 2015

 

Les étapes sont intéressantes...

L'autre lundi marquait la rentrée à RCF pour l'émission de Jazz hebdomadaire que nous enregistrons maintenant depuis plus de deux ans : "Comme à la radio".

 

Comme à son habitude, Laurent avait déniché des morceaux de derrière les fagots. En particulier, un enregistrement dans lequel le clarinettiste basse, saxophoniste, flutiste… Eric Dolphy prenait la main avec un solo complètement déchiré dans le pont d'une version sublime du Fable of Faubus de Charly Mingus, lente et folle à souhait. Rentré à la maison, je me mis à travailler sur la vie de Matisse à Nice (ce peintre qui a écrit/peint " Jazz ") en écoutant ce musicien de génie sur deux vieux CD conservés entre Coltrane et l'Art Ensemble of Chicago.
Et je confirme : Dolphy est pour moi le sommet de mes désirs ou plutôt de mes fantasmes de musicien. Mais la route qui mènerait vers un équivalent, pour n'importe quel interprète qui renouvèlerait le Jazz à notre époque, est trop importante pour une seule vie.
Cependant, comme l'écrivait Matisse désespérant d'atteindre le génie du Giotto de Padoue, les étapes en sont intéressantes !


Alex.

 

JUIN-JUILLET 2015

 

Les 100 ans de Jazz et Côte d'Azur

La Compagnie So What et l'Expo de l'été : "Henri Matisse, Nice : Promenades intérieures"

 

Voici maintenant six ans que le Musée Matisse intègre une séquence musicale de la CSW sur le thème de l'exposition temporaire. Après Matisse et les odalisques en 2014, le musée apporte un nouvel éclairage sur ces liens de Matisse à Nice à travers le thème des promenades intérieures d'un artiste.
Promenades intérieures qui l'ont amené à écrire et peindre son œuvre Jazz, publiée en septembre 1947 mais commencé en 1943, œuvre-clé dans l'évolution du peintre.
On a coutume de dire que Nice a été le premier Festival de Jazz européen (voire international) juste après, en 1948. Certes, c'est vrai et nous pouvons en être fiers.
Mais ce que l'on ne sait pas (ou moins), c'est que le Jazz était arrivé à Nice et Cannes... avant la guerre de 1914. On a retrouvé des articles sur le Jazz écrit par un chroniqueur de journaux, Michel Georges-Michel.
Ainsi, lorsque Matisse décide de s'installer à Nice en 1917, le Jazz fait depuis longtemps parti de la vie nocturne de la Cité. Georges-Michel raconte que le soir, après le Carnaval, certains commerces du vieux Nice remettent en fond de magasin leurs étals pour laisser la place à des noirs américains qui jouent du banjo et de la batterie.
Mais il existe également des orchestres plus "officiels". Ainsi, à Cannes, le "jazz-band" du Casino gagne 48 000 francs par mois.
Un extrait d'un article de Michel Georges-Michel sur le Jazz à Nice en 1914 :
"On est un peu secoués par le jazz band, nouvelle importation américaine : cinq nègres en habit, tapant des pieds et du reste sur le piano, grattant le banjo, partis avec des cadences de locomotive en fureur (un blanc valant deux noirs, ils doublent les croches), le tout avec une incroyable science des effets et les plus invraisemblables délicatesses dans ce tintamarre".
Puis on arrive à la description du batteur (dédiée à Cédric) :
"au milieu de ces automates, il est un homme orchestre qui frappe en souriant sur dix-sept instruments, jongle avec ses baguettes, lance des œillades aux femmes, fait le mort, reprend ses quadruples croches, ses trois tambours, ses huit sifflets, fait mine de défoncer la grosse caisse, et ne donne qu'un son de timbre..."
C'était il ya cent ans, et Matisse arrivait à Nice, ville où il ne pouvait pas ne pas entendre du Jazz !

Alex.

 

 

AVRIL-MAI 2015

 

Le Jazz n’est pas un langage.

Enigmatique aux yeux de beaucoup, le Jazz n’en finit pas de susciter les réactions les plus diverses. Mais il faut bien avouer que ses détracteurs les plus virulents sont souvent ceux qui le connaissent le moins.


Pour mieux l’apprécier, quittons les références intellectuelles habituelles pour se laisser imprégner d’une autre logique de la forme.
Scott Joplin, Duke Ellington, Dizzy Gillespie et le pianiste Thelonious Monk écrivent ou jouent et improvisent une musique « hors temps ». Certains auditeurs ont l’impression que tout le Jazz est « égal » et participe d’un mouvement unique. Ainsi, Charlie Parker, Miles Davis ou John Coltrane pourraient tous être considérés comme « classiques ». D’où la difficulté récurrente pour le public d’accepter des changements sonores dans cette idée globale de Jazz. Pourtant ces écritures n’ont parfois rien à voir si ce n’est qu’elles produisent des organisations sonores tentant d’exprimer l’inexprimable.
Car la musique n’est pas un langage, mais un moyen pour le musicien de Jazz de communiquer à d’autres les sensations et les sentiments qu’il éprouve lui-même.
Le Jazz est en perpétuelle mutation, sauf pour les musiciens qui n’ont pas assez d’imagination pour construire des phénomènes sonores avec de nouvelles combinaisons. Ceux-ci sont « académiques » car ils se bornent à reproduire des phénomènes sonores acceptés collectivement.
Or rien ne se répète dans le Jazz. Il faut donc accepter l’inacceptable : dans le Jazz, rien ne se répète, rien n’est comme ce qui a précédé.
Si l’on reconnaît aujourd’hui Barre Phillips comme un grand classique, on oublie que sa musique ne fut pas acceptée facilement. On le considérait comme trop intellectuel. Et il est triste de constater qu’une personne ne peut entendre autre chose que la musique qu’elle croit « valable ».
Or, le Jazz est le contraire de la convention acceptée.
On a beau répéter et répéter ces vérités découlant de l’Histoire, rien n’y fait, certains sont persuadés de détenir la vérité. Le Jazz est en perpétuel mouvement. Il n’est pas plus immuable que les concepts sociaux ou économiques.
Le Jazz n’est pas classique, il est.
Et pour vous décrasser les neurones et les conduits auditifs, allez écouter Nicolas Crosse, que j’ai découvert au Printemps des Arts de Monte-Carlo sur https://www.youtube.com/watch?v=IOEzTyje1o8
Et bien sûr Barre Phillips sur https://www.youtube.com/watch?v=v8CEv-KOjR0

Alex.

 

 

FEVRIER-MARS 2015

 

En cette période de crise économique, tout n'est pas aussi cher que ce qu'on veut vous faire croire.

La cotisation au So What ne coûte pas plus cher que quelques paquets de cigarettes (et ne donne pas le cancer), qu'un tiers de plein d'essence (et n'a jamais servi à personne à s'immoler par le feu), ou qu'un gigot d'agneau (et ne participe pas à la souffrance animale).


Une adhésion à l'Association So What, c'est du solide, du durable, de l'Ethique.
C'est mieux que le prix du stationnement du parking Saleya où l'on ne consomme qu'une partie du temps acheté. J'ai un ami qui, quand il paye une heure, reste une heure, quitte à attendre dans son auto qu'elle soit écoulée.
Sur l'échelle de la rentabilité, la cotisation au So What se situe sur le plus haut échelon. Le calcul est simple, il suffit de venir deux fois pour réduire son prix de 50%, et en venant aux 7 concerts prévus, on ne dépense pas 4 € (deux cafés à Nice).
Et en plus, les adhérents seront les premiers à connaître le nom des orchestres qui viendront jouer pour les Rencontres et pourront arriver avant tout le monde pour réserver leurs places.
Et il y en a qui hésitent ?


Alex.

 

 

JANVIER 2015

 

"Fantastique musique"

Nice, ville d'inspiration

Fin novembre, il a fallu refuser du monde à l’entrée du super auditorium Nucera pour la représentation de « Jazz et Nissart, es poussible » avec la Compagnie So What.
Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir eu une inspiration niçoise comme le prouvent les courriers ci-dessous :


« J’ai un appartement délicieux dont les fenêtres donnent sur la mer. Je suis tout accoutumé au continuel râlement des vagues; le matin, quand j’ouvre ma fenêtre, c’est superbe de voir les crêtes accourir comme la crinière ondoyante d’une troupe de chevaux blancs. Je m’endors au bruit de l’artillerie des ondes, battant en brèche le rocher sur lequel est bâtie ma maison.
... je compte les barques de pêcheurs et j’admire ces petits sentiers rayonnants et dorés qui doivent conduire à quelque île heureuse et paisible. C’est, parbleu! en nature, le sujet de la lithographie de nos mélodies.
Voilà que j’aspire l’air tiède et embaumé de Nice à pleins poumons ; voilà la vie et la joie qui accourent à tire-d’aile, et la musique qui m’embrasse, et l’avenir qui me sourit ; et je reste à Nice, à me plonger dans la mer, à dormir sur les bruyères des montagnes de Villefranche, à voir, du haut de ce radieux observatoire les navires venir, passer et disparaître silencieusement. C’est ainsi que j’ai passé à Nice les vingt plus beaux jours de ma vie. Ô Nizza ! »

Ces belles phrases musicales ne sont pas celles d’un musicien de Jazz venu aux rencontres de Jazz sous les Bigaradiers en novembre 2014, mais... d’Hector Berlioz en 1831... Fantastique non ? De quoi faire une symphonie  !

Alex.

 

 

OCTOBRE-DECEMBRE 2014

 

"Le bonheur est sous les bigaradiers..."

Un village, des musiciens, de l'inattendu, des stars, des découvertes, du cinéma, des premières fois, du bonheur à toute heure, retrouvons ensemble durant dix jours le plaisir de la musique improvisée sous les bigaradiers.

Son succès populaire est depuis quelques années le fruit de la rencontre des "pointures" internationales, comme cette année Henri Texier, Jacky Terrasson ou Stéphane Belmondo, et du meilleur du Jazz azuréen avec Why Note Trio, Yael Angel, Vanya Quartet, le Trioalien, Looking Up project, Nabis et Nico, Louis Bariohay duo, Jazz Workshop 06, Freak's and Co, Alkozaur, Ciné Jazz quintet, Cie So What, Cascino Trio, le Chœur de Tourettes sur Loup, les Artistes de l'Ebène, Marie-Pierre Foessel et David Amar…
C'est la fête avec cette année dix jours de concerts, sur dix scènes, avec vingt orchestres et cent musiciens. Ecoutons de la musique improvisée salle de La Coupole, à La Séguinière, au club du So What, dans les restaurants gaudois, et même dans les écoles.
Pendant dix jours, tout un village résonne au son du jazz, de ses plus prestigieux ambassadeurs à ses plus méconnus messagers. D'où l'importance accordée aux concerts gratuits qui animent La Gaude : tout est fait pour vous pousser à la découverte et au mélange des genres, du Jazz " classique " et de la musique improvisée, au Rock des musiques actuelles. Des soirées populaires Jazz et cuisine niçoise à la Guinguette, tous les styles de Jazz pour les soirées Jazz et resto, et des fêtes autour de Jazz au féminin, Jazz et vin, ou Jazz à l'italienne, mais aussi la recherche la plus pointue avec Emmanuelle Somer ou les improvisateurs vençois. Tous les Jazz pour tous les goûts et toutes les bourses.
Quels que soient les styles, ce sera une musique jubilatoire, d'écoute et de respect entre musiciens, des mélodies écrites et des improvisations joyeuses, une musique imaginée pour le public et la scène.
Retrouvons nous autour d'un même langage, celui d'une musique d'aujourd'hui, vivante, libre, festive, créative. Des images musicales inspirées par la couleur et la sonorité d'un Moyen-Pays vivant. Un mariage entre l'œil et l'oreille, dans ce lieu de Jazz que sera La Gaude du 7 au 18 novembre.


Alex.

 

SEPTEMBRE 2014

 

Le magicien fantôme.

Rentrant à la maison fatigué et déprimé, je rencontrai un homme qui me dit avoir été un camarade de vacances à Coursegoules, même si honnêtement, je ne m'en souvenais pas.
- Tu fais toujours de la musique avec tes amis ? me demanda-t-il.

Dessin : Henri Capra

- Oui, dis-je, immédiatement frappé d'un complexe d'infériorité.
- Tu n'en as pas encore marre ? Insista-t-il avec un sourire narquois. J'ai l'impression que vous autres, musiciens de Jazz, peintres, écrivains, sculpteurs, vous êtes de plus en plus hors du temps. Un sens d'inutilité qui est une fin en soi. Tu comprends ce que je veux dire ?
- Je comprends.
- Oui, vous vous préoccupez désespérément de découvrir les nouveautés les plus absurdes et les plus invraisemblables devant un public de plus en plus rare et, excuse ma sincérité, un beau jour les salles seront complètement vides devant vous.
- Possible, dis-je humblement.
- Et … dis-moi, quand tu entres dans une médiathèque et que tu vois …
- …et que je vois les étagères remplies de livres jusqu'au plafond et les bacs remplis de CD, les bras m'en tombent comme si sur le marché Saleya où il y a des montagnes de fruits et légumes, j'arrivais pour vendre une minuscule tomate, c'est ça que tu veux dire ?
- Exactement, dit mon camarade, avec un petit rire méchant.
- Heureusement, osais-je, il y a encore des gens qui viennent à nos concerts.
- Comprends moi bien, fit encore mon camarade, ce n'est pas que ce que vous jouez me déplaise, mais que vous passiez des heures à travailler des morceaux de Jazz, et que l'on en parle sur internet, ça ne te semble pas une folie à l'époque des smart phones ? Comment une telle inutilité peut-elle se poursuivre ?
- Je ne sais pas. Tu as peut-être raison, dis-je désemparé.
- Vous aurez toujours moins d'auditeurs, toujours moins d'acheteurs de CD … s'emporta mon camarade. L'art aujourd'hui n'est plus qu'une denrée comme un parfum ou une bouteille de vin. De quel art s'occupent les gens ? Le public va droit au solide, des chansonnettes écrites avec un dictionnaire de rimes, des sonos à fond, qui lui donnent un plaisir palpable, immédiat, et qui ne fatigue pas le cerveau…
Je fis signe que oui de la tête, fatigué et ne trouvais plus d'arguments pour le contredire. Mais mon camarade n'en avait pas assez.
- Il y a encore quarante ans, un musicien de Jazz pouvait être un personnage important, mais maintenant, il n'y a que quelques vieilles cariatides qui résistent à la destruction. Un Coltrane, un Monk, la génération des grands-pères. Mais aujourd'hui, ce que vous faites n'intéresse plus personne. Et toi, vas-tu dans les musées d'art contemporain ? Est-ce que tu lis les articles des critiques sur le Jazz d'aujourd'hui ?
- Et pourtant …, dis-je
- Et pourtant quoi ? Allez, courage … me harcelait, sarcastique, mon ancien camarade.
- Les musiques que l'on jouera, les choses folles ou incompréhensibles et inutiles dont tu parles seront toujours la pointe extrême de l'homme… et …
- Tu me fais peur, s'écria mon vieux camarade.
Mais je n'étais plus capable de m'arrêter. J'éprouvais une de ces rages qui viennent du plus profond des tripes, et elle jaillissait de moi sans que je parvienne à l'arrêter.
- Oui, ces idioties sont encore ce qui nous distingue le plus des bêtes, aucune importance si elles sont suprêmement inutiles. Parce que la différence entre une fourmilière parfaitement organisée dans le Cheiron et notre musique est une pauvre petite chose comparée à ce qui sépare cette même fourmilière de … de …
- D'une simple mélodie avec une improvisation modale par exemple, suggéra mon ancien camarade ?
- Mais oui, même de la seule intention de la jouer, et c'est sans importance si la tentative est ratée, je me trompe peut-être mais c'est seulement dans cette direction que se trouve notre unique voie de salut, et si …
Ici, mon ex camarade s'épanouit en un long éclat de rire tonitruant … mais qui n'était plus antipathique. Je m'arrêtais, tout interdit, et il me donna une claque sur l'épaule.
- Ah ! Tu as enfin compris, bougre d'imbécile.
Je balbutiai :
- Qu'est-ce que tu entends par là ?
- Rien, rien, répondit mon ancien camarade de vacances, et son visage s'illumina comme sous l'effet d'une lumière intérieure. Je te voyais si déprimé, si abattu ce soir, tu semblais si découragé. Alors, tout simplement, j'ai cherché à te sortir un peu de là et à te remonter le moral.
C'était vrai, suggestion ou non, je me sentais tout autre, libre, plus sûr de moi.
J'allumai un petit cigarillo tandis que mon ex camarade, que je n'avais toujours pas reconnu, s'éloignait vers la montagne et disparaissait comme un magicien fantôme.


Alex.

 

JUILLET-AOÛT 2014

 

Cris et chuchotements.

La prof de piano est vieille parce qu'elle est ennuyeuse, parce qu'elle s'habille mal, parce qu'elle est a toujours l'air de gémir en dedans, parce qu'elle vous apprend le piano comme si c'était une des punitions de l'existence.

Dessin : Valia Guillard

Elle déclare volontiers aux mamans qui ont des enfants en âge d'apprendre le piano qu'elle adore la musique, et que sans le piano elle n'aurait pas pu supporter les chagrins que lui ont apporté la vie. Je suis sûr que ce n'est pas vrai. La prof de piano n'aime pas la musique. Elle l'enseigne parce qu'elle a besoin de gagner sa vie, et elle réussit à donner le même sentiment à ses élèves.
Je lui en veux aussi, non certes d'avoir eu des chagrins ou des malheurs, ni de mentir en disant qu'elle en a eu -car cela doit être vrai- mais de ne pas parvenir à inspirer de la sympathie, de la compassion, alors que ses malheurs l'en rendraient digne. Du même coup, elle amène à douter de son propre cœur. On arrive à penser que l'on est peut-être un de ces monstres d'égoïsme, à qui une vieille fille dans la misère demande l'aumône, et qui par derrière se moquent d'elle.
Bref, la prof de piano a le double tort de nous faire croire qu'on n'aimera jamais la musique, et de nous faire soupçonner chez nous un manque de bonté naturelle.
Que celui qui n'a jamais connu un tel prof de musique me jette la première fausse note de la " lettre à Elise " !


Alex

NB : toute ressemblance avec un prof de musique existant ou ayant existé et donnant des cours de n'importe quel instrument n'est absolument pas fortuite ni de l'ordre de la coïncidence et du hasard.

Avec une version niçoise, pas piquée des vers (traduction : Jacques Dalmasso) :

Crit e bisbì
Si sau, da ségur e despì bèu temp, que lou gal canta quiquirìqui, que la galina chancha, que lou can Ossi bauba quoura lou cavau Galassì roussigna, e que mugisse lou bòu e mugisse la vaca. L'arèndoula redoublega, la couloumba rounca e lou quinson gergounèa. Li pàssera pipiounoun, lou fasan e l'auca ganasson quoura lou dindou clussa. La granouia cruassa mà lou còrbou crouassa e la gassa sigala. Se lou cat couma lou tigre gnaugna, l'elefant barrisse, l'àe ràia, mà lou cerf brama. Lou moutoun bèla, ben seguramen e l'abèia boumbilha. Au Cheroun, la cerva brama quoura lou loup ula.
Saupiavas tout acò, dau segur, mà saupiavas que lou canart nasèa (e que lu canart nasìon). Que lou bouc e la cabra tremoulounon. Que la ganavèu ganèa mà que lou suça-lampèa subla. Que lou pavoun troumbeta, que l'aigla dessoubre lou Manichau glatisse. Se la tòrdoula rounca, lou couloump fer caroucoula, la becassa degoula, lou perdigau cacassèa, la cigogna crica. Se lou còrbou crouassa, la gràia courvina e lou counièu couina quoura la lebre vagisse.
Ahì ! Lou saupiavas ? Aloura, passan ai demanda rougi. Lou sabès que la calandra gresouia, que lou pic-vert picassa ? Noun ? Es escusable ! O que lou senglié brounchounèa, que lou gamèu perlenga (e qu'es en causa dau gamèu que s'esperlenga !) Saupiavas embessai pas finda que la pòtega poutega. Es bèu, noun ? La pòtega poutega !
E encà, saupiavas que ? Que la rateta, la pichina rateta grisa ... Endevinas ! La pichina rateta grisa chiquèa. Counfessas que serìa daumage de noun saupre que la rateta chiquèa, e de mai daumage encara que de noun saupre, que de noun saupre que lou gai ... que lou gai caligna !... Couma lou So What caligna lu siéu aderent.
Mà finda, que Jan - Marco glouglouta, Cedric picouta, Lauren bugla e Alès canarda ? Que Toumas aragutèa, Jousé destressèa e Emanuela ... boufèa !

 

JUIN 2014

 

Cris et chuchotements.

On sait, bien sûr depuis longtemps, que le coq chante cocorico, que la poule caquète, que le chien Oxy aboie quand le cheval Galaxy hennit, et que beugle le bœuf et meugle la vache. L'hirondelle gazouille, la colombe roucoule et le pinson ramage.

Les moineaux piaillent, le faisan et l'oie criaillent quand le dindon glousse. La grenouille coasse mais le corbeau croasse et la pie jacasse. Si le chat comme le tigre miaulent, l'éléphant barrit, l'âne braie, mais le cerf rait. Le mouton bêle, évidemment, et l'abeille bourdonne. Au Cheiron, la biche brame quand le loup hurle.
Vous saviez tout ça, bien sûr, mais saviez-vous que le canard nasille - et les canards nasillardent ! Que le bouc et la chèvre chevrotent. Que le hibou hulule, mais que la chouette chuinte. Que le paon braille, que l'aigle au dessus du Manichau trompète. Si la tourterelle roucoule, le ramier caracoule, la bécasse croule, la perdrix cacabe, la cigogne craquète. Si le corbeau croasse, la corneille corbine et le lapin glapit quand le lièvre vagit.
Ah ! Vous saviez ! Alors passons aux questions rouges. Saviez-vous que l'alouette grisole, que le pivert picasse ? Non ? C'est excusable ! Ou que le sanglier grommelle, que le chameau blatère (et que c'est à cause du chameau que l'on déblatère !) Vous ne saviez peut-être pas non plus que la huppe pupule. C'est joli, non ? la huppe pupule !
Et encore saviez-vous que? Que la souris, la petite souris grise … Devinez ! La petite souris grise chicote. Avouez qu'il serait dommage d'ignorer que la souris chicote et plus dommage encore de ne pas savoir, de ne pas savoir que le geai, …que le geai cajole !...Comme le So What cajole ses adhérents.
Mais aussi que Jean-Marc glougloute, Cédric tapote, Laurent bugle et Alex canarde ? Que Thomas suraigüete, José pickingcote, et Emmanuelle … souflotte !


Alex, avec la complicité de Fernand Dupuy, instituteur à l'ancienne !

 

 

MAI 2014

 

La Compagnie So What et l'Expo de l'été : "Henri Matisse, Nice : le rêve des odalisques"

Voici maintenant cinq ans que le Musée Matisse intègre une séquence musicale de la CSW sur le thème de l'exposition temporaire. Après Matisse et la musique en 2013, le musée apporte un nouvel éclairage sur ces liens de Matisse à Nice à travers le thème des odalisques.

Pour préparer ce concert, c'est tout un travail en amont des musiciens pour écrire une heure de musique. Nous vous livrons un résumé de ces réflexions que vous retrouverez également dans une des salles du Musée.
Depuis la campagne d'Egypte de Bonaparte (1798-1801), la fascination pour l'Orient traverse tout l'art Occidental. Mais Nice n'a pas attendu Napoléon pour s'intéresser à l'orientalisme.
Les paysages, architectes, écrivains, peintres que pourra côtoyer Matisse à Nice sont depuis longtemps dans cette tendance orientaliste.
Le paysage végétal : les orangers arrivent dans le Comté avec les Croisés par Bordighera en même temps que les palmiers utilisés pour les palmes tressées du Vatican. Et surtout, Gustave Thuret acclimate en 1857 au Cap d'Antibes des végétaux exotiques qui contribuent à la transformation de notre paysage végétal, conseille Daniel Hambury pour la création du jardin de la Mortola, ou le vicomte Vigier qui introduit en 1864 les palmiers Phoenix canariensis dans son parc.
Les peintres niçois ou ayant leur atelier à Nice ne sont pas en reste : Bonamici, Herst, Lessieux, Martin Sauvaigo, feront comme tant d'autres le voyage en Orient. Mais surtout Fricero et Ziem seront des peintres voyageurs qui parcourront tout le Moyen-Orient et en ramèneront leurs lumières méditerranéennes.
Le paysage littéraire leur emboite le pas.
Apollinaire, évoque les Maures du Fraxinet et les palmiers de Bordighera.
George Sand décrit "l'exotisme de la végétation : lentisques, myrtes et arbousiers" qu'elle dépeint comme un décor oriental.
Alphonse Karr parle "des pâleurs d'opale, des luminosités vaporeuses, et des sècheresses de pierres déjà vues en Algérie."
André Theuriet campe les odalisques du vieux Nice : "de grandes filles aux jupes douteuses, aux cheveux noirs relevés en casque sur le front [ …] quand une coulée de soleil se répandait tout à coup par une échancrure dans l'obscurité d'une rue, cela suggérait des rêves d'Orient."
Jules Romains décrit le quartier de la Chapa : "J'ai descendu la rue des Ponchettes. Je ne connais pas l'Orient, mais à ces heures là, le grouillement dans les rues, placettes et passages voutés qu'enferme le double rempart de mer me parait prendre une physionomie arabe. Il n'y manque pas des tentes de couleur, ni la vue d'un palmier profilé sur l'horizon marin, au-delà de l'arcade."
Enfin, les architectes s'éloignent de la tradition locale, pour construire des folies "indo-troubadour" comme le "Château de l'Anglais", et une floraison de villas mauresques envahit Nice. En 1889, un Orient de fantaisie triomphe avec le casino de la Jetée Promenade, et ses minarets, surchargés et coiffés de croissants. Ce style se retrouve dans l'hôtel Alhambra qui domine le boulevard de Cimiez de ses minarets, de ses façades décorées, et de ses fenêtres aux arcs outrepassés.
Reste la musique du SoWhat à venir écouter le 21 juin !

Alex

 

AVRIL 2014

 

En ce moment, c'est le top.

Moi en ce moment je réécoute Charlie Parker.
Et moi je réécoute Thélonious Monk.
Et moi c'est plutôt Coltrane.
Et moi plutôt c'est Charlie Parker et c'est très bon.
Et moi j'écoute Mozart.
Ah! Mozart, c'est bien ?

 


Les Marches forcées, les trucs carrés ?
Pas du tout, les trucs ronds j'écoute aussi.
Ah! les trucs ronds, le Bolchoï ?
Avec leurs grosses moustaches ?
Quelles grosses moustaches ?
Moi, je réécoute plutôt des vieux disques remastérisés.
Des trucs anciens ?
Des ruines, je tombe en ruine quand je mets ça, et ça fait du bien.
Tu comprends ?
Je comprends, je comprends.
Moi, j'écoute mes souvenirs d'adolescent.
C'est le top.
On est au top en écoutant ça.
Même plus loin.
Et le top, c'est pas que le bout de son nez.
Mais nous, on va au-delà même.
On prend les devants.
Au-delà du top on est prêt à aller.
Seulement faut se méfier un peu.
Au-delà du top, on ne sait pas ce que c'est au-delà du top.
C'est vraiment pour les initiés.
C'est pas n'importe qui qui peut se targuer d'aller au-delà du top.
Le top, c'est pas pour n'importe quel clampin.
C'est pour les adhérents du So What.
A jour de leur cotisation.



Alex

 

MARS 2014

 

Pourquoi j'aime la musique de John Coltrane ?

Comme Ornette Coleman, comme Albert Ayler, il fait partie de ces musiciens qui ont poussé le Jazz dans ses ultimes retranchements pour forger une musique qui échappe aux étiquettes et qui reste actuelle, contemporaine.



Pourquoi ? Parce que sa musique est en prise directe avec la vie. Parce que, comme Monk, ou comme Charlie Parker, il a fait le tour de " sa " musique. Et c'est pour cela qu'elle est devenue intemporelle.
Il sait surtout faire oublier sa technique pour n'être plus que musique. Et lorsqu'on écoute son fils Ravi Coltrane (dont un critique a dit un peu méchamment qu'il devrait changer d'instrument ou de nom), ou l'encyclopédiste James Carter, on comprend enfin que la musique de Coltrane est finalement de l'émotion avant d'être de la technique. Je pense qu'il était un simple bâtisseur de rêves.
Beaucoup de musiques ont aujourd'hui un gout de réchauffé depuis que Coltrane est mort.
Mais l'erreur serait de l'imiter. Il vaut mieux jouer à son niveau sa propre musique " écrite et improvisée du XXI° siècle du moyen pays niçois " qu'apprendre ses solos par cœur.
La grande leçon est que chaque musicien, quel que soit son niveau ou son style, doit sortir ses propres tripes s'il veut un jour partager son bonheur avec les autres !
Peut-être aussi, tout simplement, j'aime la musique d'un Coltrane qui a écrit : " Je ne peux rien expliquer, tout est dans ma musique ".


Alex

 

JANVIER-FEVRIER 2014

De l'origine du mot "Jazz"

On trouve plein de doctes explications comme : les instruments qui papotent, qui jasent entre eux … C'est joli, mais aussi tiré par les cheveux que l'origine du nom de La Gaude.



En effet, l'orthographe de La Gaude varie au gré du temps et des copistes. On trouve Alagauda sur le cartulaire de l'abbaye de Lérins en 1062 et même Alagauza en 1250. En 1307 le village se nomme Gauda et en 1315 Gaudo.
L'étymologie la plus fantaisiste est celle de 1696. Lorsque Louis XIV impose, moyennant impôt, un blason pour le village, le blasonniste imagina et dessina un coq, lou gau, que l'on imagine assez mal précédé d'un article féminin, en prenant comme devise un proverbe fort connu : " Gau de carriero, doulour d'oustau ". Dicton, qui s'applique aux musiciens joviaux en public (coq dans la rue) et mauvais dans leur maison.
Certains auteurs et peintres ayant exposé au So What ont également fait un rapprochement avec la gaude, plante tinctoriale, qui contient une teinte jaune fort utilisée au moyen-âge... mais dont on ne retrouve aucune trace dans les écrits sur les cultures gaudoises.
D'autres esprits imaginatifs ont émis l'idée que la Gaude pouvait avoir pour racine le verbe latin " gaudere ", se réjouir, et lié ce verbe à la culture et à la réputation du vin de La Gaude ou de La Gaudriole qui accueille fort bien les adhérents du So What. Hors, la culture de la vigne ne démarre réellement qu'au XVIIIème siècle et n'existait probablement pas au XIème siècle.
C'est donc dans la toponymie, qui étudie les noms de lieux en liaison avec la langue, qu'il faut rechercher l'hypothèse la plus vraisemblable. Les termes Gaut, Gaud, Gault, … tirent leur origine du bas latin waldus, (Wald pour la racine germanique : n'oublions pas les invasions germaniques du Vème siècle) et désignent dans tout le pays d'oc les lieux couverts de forêts. A rapprocher également des lieux-dits " gaudissart " (fréquents dans les vallées de la Vésubie, de la Tinée … et même à Vence), de gaud, forêt et issart, défrichement, qui désignent des lieux déboisés pour les cultures.
Le nom en langue d'oc du village est resté Alagauda, tout attaché. Ainsi, pour dire je suis de La Gaude et j'habite à La Gaude, on dira : sièu d'Alagauda e abiti en'Alagauda… et j'adhère au So What.
Arrivé à ce point du raisonnement, vous êtes en train de vous demander quel lien avec l'origine du mot Jazz !
C'est tout simplement que La Gaude est devenu un lieu mythique de cette noble musique…
Allez, à bientôt et baieta


Alex

 

 

 

NOVEMBRE-DECEMBRE 2013

17° édition du Festival "Jazz sous les bigaradiers"… vous avez dit fanatique ?

Ce qui n'était qu'un communiqué de Presse s'est transformé en réalité par un coup de baguette magique : 16 orchestres, 70 musiciens et 4 nationalités ont offert durant 10 jours le meilleur du Jazz actuel dans 13 lieux à La Gaude.

Cette dix-septième édition a offert de l'inattendu, des stars, des découvertes, du cinéma, des premières fois, et du bonheur à toute heure.

Souvenez-vous, dans l'ordre d'apparition sur scène du Sébastien Chaumont quartet avec le trompettiste José Caparros, du Jean Cortès quartet et de la belle et talentueuse Allison Linde, du trio manouche de Fabrice Helias , du duo de Serge Nano et Laure Hanska, du Why Note Trio qui nous a transporté en Amérique du sud, des musiques actuelles des jeunes de La Gaude et de Crispsy Snails, du Djalamichto Quartet qui a enflammé les gaudois, du Jazz jubilatoire de la Compagnie So What, de la découverte par les médias de l'antibois Romain Collin meilleur des pianistes New Yorkais actuels, de Franck Taschini et ROG, vainqueurs des Trophées du Jazz de la Côte d'Azur 2012, des émotions de la trompette de Paolo Fresu et du bandonéon de Daniele di Bonaventura et de leur standing ovation, des 24 choristes des ménestrels d'Antibes, de la harpe Jazz du Rossitza Milevska trio, de Bruno Tocanne, Henri Roger, Eric-Maria Couturier et Emmanuelle Somer, sans oublier l'Harmonie Gaudoise dirigée par Géraldine Karpp, et de José et Sophie du groupe Nabis qui ont enchanté les 650 élèves gaudois !
Merci à tous ces musiciens sans qui le Festival ne serait pas possible.

Mais, au fait, quelle est l'origine du mot Festival ?
En ouvrant notre dictionnaire étymologique, on peut lire que c'est un mot récent, apparu au XIX° siècle, qui vient d'une très ancienne racine à valeur religieuse fes, qui a donné en latin feriae, jour de fête consacré au repos, puis festivus, la foire, mais également le lieu consacré, le Temple, d'où également fanaticus, le serviteur du Temple.

Les fanatiques serviteurs du Temple du Jazz vous saluent !



Alex

 

OCTOBRE 2013

"J'ai fait sept ans de piano"

Qui chantera jamais la tristesse des pianos silencieux et abandonnés !

 

 



 

Un vrai public de jazz : celui du So What...

"J'ai fait sept ans de piano". La phrase est résignée. "J'aimerai bien m'y remettre, mais c'est difficile. Et puis c'est pénible sans personne avec qui jouer".
C'est vrai que c'est dur de jouer La lettre à Elise, toujours massacrée, rarement maitrisée. Un peu d'auto-satisfaction parfois avec Le petit nègre de Debussy !
On y retrouve son impuissance d'adolescent(e) frustré(e).
"J'ai fait sept ans de piano". On ne rêvait pas d'être un artiste. Il aurait fallu du temps, de la rigueur, de la persévérance. Sept ans de piano, ce sont sept années de cours pas toujours agréables parce qu'on apprenait la leçon la veille du cours. "Tu as travaillé ton piano ?" Phrase lancinante des parents qui payent la vieille fille revêche qui se défoule sur ses élèves. On entend aussi parfois, j'ai fait sept ans de guitare classique, de trompette, ou de clarinette (jamais de batterie), mais le plus souvent, "j'ai fait sept ans de piano".
Comme si dans ces quelques mots dormaient les émotions que l'on n'a pas su atteindre ou transmettre. Comme si on n'avait pas pu trouver la clef d'un plaisir inconnu.
Et pire, "j'aimerai apprendre à improviser"… ce sera pour un autre Edito !


Alex

SEPTEMBRE 2013

Vous aimez le jazz ?

Repas de travail, ou presque. On vient de me mettre à côté de vagues connaissances en me disant : "vous devriez bien vous entendre".

 



Un vrai public de jazz : celui du So What...

Ce ne sont pas des amis. Ils le deviendraient peut-être, mais j'en suis aux premiers contacts, et tout d'un coup, une petite phrase en fin d'apéro, une petite phrase sans importance apparente vient me signifier que c'est rédhibitoire. Je suis catalogué. Je viens de raconter les musiciens extraordinaires qui viendront aux 17° Rencontres de Jazz de La Gaude. Je parle avec émotion de la confrontation de la trompette et du bandonéon avec Paolo Fresu et Daniele di Bonaventura, de Romain Colin qui vient de New-York pour jouer à La Gaude ou d'Eric Maria Couturier, violoncelliste solo de Boulez, qui "descend" de Paris pour une soirée de musique improvisée, de Seb Chaumont qui a fait ses premiers pas chez nous, de …
Et mes "pas encore amis" reprennent la balle au bond.
- Vous aimez le Jazz ?
C'est tout sauf une question. Il y a dans leur regard une intensité interrogative, une surprise, presque une indignation. En fait, ils n'ont pas envie de me connaître et je ne l'avais pas compris. Ils viennent de trouver une faille pour suggérer, sans l'exprimer vraiment, la supériorité de leurs propres codes esthétiques, dans une badinerie néo bourgeoise (Bobo quoi !). A quoi bon le repas qui va suivre avec les barba juan de Menton, l'estocafida, et la convivialité qui feindra d'arriver avec le vin blanc de Villars.
- Vous aimez le Jazz ?
Ce qui veut dire : pauvre pseudo intellectuel, vous ignorez tout de la "grande" musique, vous passez des soirées à vous ennuyer en écoutant des morceaux assourdissants, vous ne connaissez pas la profondeur de l'âme de Bach (ils doivent prononcent Barrrr, bien sûr). Je demande s'ils ont déjà essayé d'aller à un concert depuis que Louis Armstrong est mort, mais ça ne les fait pas rire. J'essaie d'expliquer que cette musique est jubilatoire, jeune, j'essaie… en vain.

Pourquoi faut-il aller au bout de ces repas qui commencent avec ce type de question ?


Alex

 

 

 

JUILLET-AOUT 2013

Matisse, la musique, le Jazz et Nice...

Autour dela soirée de Jazz du samedi 6 juillet au Musée Matisse, quelques réflexions en plusieurs Editos. 3ème partie.

Les lieux de musique: opéra, théâtres, casinos, cercles, sociétés et salons



Le Palais de la Jetée Promenade avec, en arrière-plan, le Cercle de la Méditerranée

Entre 1920 et 1954, Nice dispose d'un ensemble exceptionnel de lieux de spectacles, prestigieux comme l'Opéra, ou populaires comme l'Eldorado.
En 1776, la marquise Maccarani obtint l'autorisation de transformer son ancienne maison d'habitation en théâtre. En 1828, la Ville de Nice le rachète et y construit un Opéra de style italien : le Théâtre Royal qui deviendra Théâtre Impérial puis Théâtre Municipal. Le fond de scène offre une large baie avec vue sur la mer. En 1881, une explosion de gaz embrase le bâtiment. La municipalité le reconstruit sur le même emplacement et charge François Aune, élève de Gustave Eiffel, des plans de l'édifice. En 1902, il prend le nom d'Opéra de Nice. Il est classé "monument historique" en 1993.
Le Théâtre Français, ancien Théâtre Tiranty, s'élève à l'angle des rues Hôtel des Postes et Saint-Michel, où se trouvent aujourd'hui les Galeries Lafayette. Plus populaire que l'Opéra, il connaît des salles enthousiastes qui acclament les célébrités de l'époque. En 1864, le premier Casino Municipal, à l'angle de la rue Halévy et de la Promenade des Anglais, encouragera le développement du chant à Nice. Son concurrent de la place Masséna, inauguré en 1881 et démoli en 1979, connaît des saisons lyriques exceptionnelles et des soirées de chansons populaires.
Le palais de la Jetée Promenade sera ouvert en 1885, après l'incendie de 1883 à la veille de sa première inauguration. Considéré comme le temple de la musique à Nice, il accueille la plupart des grands instrumentistes européens.
Parmi les établissements musicaux en activité durant la période niçoise de Matisse, citons encore le Palais de la Méditerranée, le Théâtre des Variétés du Bd Victor Hugo, le Nouveau Casino de la rue Saint-Michel, dirigé par Marcel Sablon, le music-hall Politéama place Garibaldi, la salle de l'Athénaeum, Bd Victor Hugo, Il Teatro Varieta, Bd Sainte-Agathe, l'Eldorado… Cette énumération cache les théâtres d'été, scènes éphémères sous les platanes des quais du Paillon ou devant les parterres du jardin Albert Ier.
Avec le développement de la saison estivale, des représentations du répertoire classique sont organisées aux arènes de Cimiez et devant le parvis de l'actuel Musée Matisse de 1932 à 1939, puis dans les années 50.
Les Cercles et Sociétés contribuent également à ce culte fervent de la musique. Le plus ancien, le plus niçois, est le Philarmonique, mais on joue également de la musique au Cercle de la Méditerranée, le plus riche et le plus chic, et surtout à l'Artistique.
A côté de ces cercles, se trouvent les salons de musique. Les frères Antoine et Raymond Gautier, possèdent un musée privé d'instruments. A leur mort, les instruments de collection sont légués à la Ville de Nice. Ils sont aujourd'hui la base de la collection du Palais Lascaris.
Le salon privé le plus extraordinaire reste celui du baron Von Derwies dans son château de Valrose (actuel siège de l'Université de Nice), avec une salle de 400 places et un orchestre considéré comme un des meilleurs d'Europe.
ne tradition musicale qui inspirera de nombreux musiciens... Entre autres, Isaac Albéniz compose dans le quartier des Baumettes "Iberia", la plus espagnole de toutes ses œuvres. Hector Berlioz écrit dans ses "Impressions" : "Je suis à Nice, j'en aspire l'air tiède et embaumé... la musique m'embrasse et l'avenir me sourit". Il compose dans la tour Bellanda l'ouverture du roi Lear. Charles Lecocq, l'auteur de la "Fille de Madame Angot", est un fidèle ami du théâtre de la Jetée Promenade. Giacomo Meyerbeer se promène, à dos d'âne, sur le chemin montant à Saint-Barthélemy où il aime à écouter les chants des moines dans la chapelle du couvent. Jacques Offenbach, habite rue Alphonse Karr et adresse une lettre au directeur du Théâtre Français pour se plaindre "que les grenouilles qui coassent dans les prés portent ombrage aux choristes." Niccolò Paganini, ami du comte niçois Hilarion Spitalieri de Cessole et célèbre pour ses "diableries" et son avarice, habite Nice dès 1837 et y fait entendre les derniers accords de son prestigieux violon, rue de la Préfecture. Piotr Tchaïkovski entend lors des fêtes de carnaval Lou Roussignòu que vola qui lui inspirera une "humoresque" célèbre. Il compose à Nice son opéra "Eugène Onéguine". Richard Wagner interprète ses œuvres dans les salons privés de la comtesse Branicka. Il y écrit le livret d'un Opéra qu'il intitule "Les Français devant Nice". Henri Marius Christiné, auteur de chansons et d'opérettes à succès dont "La Petite Tonkinoise" et "Phi-Phi" réside six à huit mois par an rue Mantéga. Président d'honneur de l'Artistique, Gabriel Fauré compose chez son ami niçois, le violoniste-compositeur Alfred d'Ambrosio, qui fréquente le même luthier que Matisse. Plus léger, l'auteur de "La vie de Bohème", Giacomo Puccini vit à Nice et crée "Manon Lescaut" au Casino Municipal. Igor Stravinsky séjourne sur la basse corniche de 1924 à 1931 et y compose plus de vingt œuvres dont "Œdipus Rex", opéra-oratorio écrit en collaboration avec Jean Cocteau, "Apollon Musagète", ballet qui marque le début d'une longue collaboration avec Georges Balanchine, "Le Baiser de la Fée", ballet dédié à Tchaïkovski. Avant son installation sur la basse corniche, il avait composé un ballet d'après l'opéra "Le Rossignol", mis en scène par Diaghilev, dans une chorégraphie de Léonide Massine, décors et costumes d'Henri Matisse.

Alex

 

JUIN 2013

Matisse, la musique, le Jazz et Nice...

En attendant la soirée de Jazz du samedi 6 juillet au Musée Matisse, quelques réflexions en plusieurs Editos. 2ème partie.

 



Igor Strawinsky dans son cabinet de travail, Nice 1931

Une tradition musicale qui inspirera de nombreux musiciens... Entre autres, Isaac Albéniz compose dans le quartier des Baumettes "Iberia", la plus espagnole de toutes ses œuvres. Hector Berlioz écrit dans ses "Impressions" : "Je suis à Nice, j'en aspire l'air tiède et embaumé... la musique m'embrasse et l'avenir me sourit". Il compose dans la tour Bellanda l'ouverture du roi Lear. Charles Lecocq, l'auteur de la "Fille de Madame Angot", est un fidèle ami du théâtre de la Jetée Promenade. Giacomo Meyerbeer se promène, à dos d'âne, sur le chemin montant à Saint-Barthélemy où il aime à écouter les chants des moines dans la chapelle du couvent. Jacques Offenbach, habite rue Alphonse Karr et adresse une lettre au directeur du Théâtre Français pour se plaindre "que les grenouilles qui coassent dans les prés portent ombrage aux choristes." Niccolò Paganini, ami du comte niçois Hilarion Spitalieri de Cessole et célèbre pour ses "diableries" et son avarice, habite Nice dès 1837 et y fait entendre les derniers accords de son prestigieux violon, rue de la Préfecture. Piotr Tchaïkovski entend lors des fêtes de carnaval Lou Roussignòu que vola qui lui inspirera une "humoresque" célèbre. Il compose à Nice son opéra "Eugène Onéguine". Richard Wagner interprète ses œuvres dans les salons privés de la comtesse Branicka. Il y écrit le livret d'un Opéra qu'il intitule "Les Français devant Nice". Henri Marius Christiné, auteur de chansons et d'opérettes à succès dont "La Petite Tonkinoise" et "Phi-Phi" réside six à huit mois par an rue Mantéga. Président d'honneur de l'Artistique, Gabriel Fauré compose chez son ami niçois, le violoniste-compositeur Alfred d'Ambrosio, qui fréquente le même luthier que Matisse. Plus léger, l'auteur de "La vie de Bohème", Giacomo Puccini vit à Nice et crée "Manon Lescaut" au Casino Municipal. Igor Stravinsky séjourne sur la basse corniche de 1924 à 1931 et y compose plus de vingt œuvres dont "Œdipus Rex", opéra-oratorio écrit en collaboration avec Jean Cocteau, "Apollon Musagète", ballet qui marque le début d'une longue collaboration avec Georges Balanchine, "Le Baiser de la Fée", ballet dédié à Tchaïkovski. Avant son installation sur la basse corniche, il avait composé un ballet d'après l'opéra "Le Rossignol", mis en scène par Diaghilev, dans une chorégraphie de Léonide Massine, décors et costumes d'Henri Matisse.

Alex

 

MAI 2013

Matisse, la musique, le Jazz et Nice...

En attendant la soirée de Jazz du samedi 6 juillet au Musée Matisse, quelques réflexions en plusieurs Editos.

 



Lorsque Matisse s'installe à Nice en 1921, au 1 Place Charles Félix (Cours Saleya), la ville possède une culture musicale d'une rare intensité. Le panorama est éclectique : opéras, œuvres symphoniques, musique de chambre, tous les genres et toutes les formes d'interprétation coexistent au XIX° puis dans la première moitié du XX° siècle avec l'avènement du Jazz.
L'attachement des niçois pour l'art musical s'est manifesté dès le Moyen-âge et les nombreux instrumentistes sur les tableaux de Bréa en portent témoignage. L'extension du tourisme renforce cette habitude avec l'arrivée de nombreux musiciens qui viennent chercher l'inspiration de nos paysages. En parallèle, existe une musique populaire qui inspirera de nombreux musiciens classiques. Elle est concentrée en trois lieux : l'actuelle vieille ville où se concentre la population niçoise, Cimiez, où " l'on tourne les Mais " pratiquement sous les fenêtres du Régina, et les festins des quartiers et villages proches de Nice. Les nombreuses chansons reprises par l'éditeur et compositeur niçois Georges Delrieu (qui prendra dès 1936 la direction de la maison d'édition que son père a fondée en 1898) montrent une musique simple et chaleureuse, tonale et chantante, avec des airs faciles à mémoriser. Cette musique populaire côtoie la musique savante dans la ville neuve qui possède même un " quartier des musiciens ", qui finit de se structurer lors de l'arrivée de Matisse. Quartier qui inscrit sur ses plaques de rues des noms qui ont illustré une période particulièrement féconde où la foule se pressait dans notre Opéra, tour à tour Théâtre Royal, puis Impérial, enfin Municipal. Bel exemple de fidélité à la musique en dépit des changements de régime, et même de nationalité.
La musique populaire stimule de nombreux musiciens classiques. Ainsi, l'air du " Roussignòu que vola " inspire Igor Stravinsky, et sera consacré par une œuvre de Tchaïkovski. Marie Bashkirtseff consacre dans son journal le même air populaire niçois qui accompagne " ses batailles de fleurs " qui inspireront plus tard Matisse.
Entre musique savante et musique populaire, la musique militaire se joue en face du Palais Sarde sur le Cours Saleya où habite le Maître, puis sous le kiosque à musique du Jardin Albert 1er.

Alex

 

AVRIL 2013

Tendre vers la perfection.

Sans me vanter, j'étais en voiture train d'écouter les " Chemins de la Connaissance " sur France Cul. Il y avait un prof de philo passionnant, qui commentait un texte de Nietzsche, cet ancien communiquant qui a trouvé le slogan du So What, "sans la musique, la vie serait une erreur". Un de ces philosophes de France Culture qui arrivent à expliquer avec des mots simples des idées complexes, ce qui prouve qu'ils ont un réel niveau de connaissance de leur sujet.
Il expliquait que pour Nietzsche ce qui est important n'est pas d'atteindre la perfection, qui n'existe pas, mais c'est de s'engager sur le pont qui permet de tendre vers… Ce qui importe, c'est la démarche d'emprunter le chemin de la perfection, et pas de l'atteindre. L'atteindre n'aurait même aucun intérêt. La seule chose importante est l'action qui nous pousse vers l'avant. Bon, je résume à ma manière, bien sûr. Et en plus ça m'arrange.
Et en écoutant ceci je me disais, bon sang, voilà un super sujet pour le prochain Edito : ce qui est important n'est pas d'atteindre la perfection, qui probablement n'existe pas en musique, mais la démarche qui consiste à s'engager sur le pont pour chercher à progresser.
Et voilà que notre prof de philo sérieux me coupe l'herbe sous le pied en ajoutant : le meilleur exemple de cette recherche qui n'a pas besoin d'aboutir est la musique de Jazz, et en particulier celle de Sony Rollins. Il rappelait qu'e n 1959, Rollins se sentant frustré par ce qu'il percevait comme ses propres limites musicales prit une pause sabbatique musicale. Deux ans de doute, pris par la tempête du free-jazz, en manque de nouveaux terrains à défricher. Un voyage en Inde et des heures à jouer, seul, sous le Williamsburg Bridge à New-York. Et puis, pouf, 10 minutes de Sonny Rollins (on est sur France Cul, pas sur France Inter ni sur TSF, ni sur... RCF Côte d'Azur).
Alors, je me suis dit : faut que je raconte cette histoire. Deux de mes héros, Nietzsche et Sonny Rollins sur le même trajet. Il ne faut surtout pas en rajouter.
Alors, faites vous plaisir, écoutez en album live, Road Shows, Vol. 2 chez EmArcy Records. Ou Sonny, Please chez Doxy Records. Ou encore The Bridge, chez RCA Victor, tout en lisant la parabole du chemin des oliviers dans "Ainsi parlait Zarathoustra".
Encore plus fort qu'un voyage initiatique en Inde ! Et gratos. Merci le SoWhat.

Alex

 

 

MARS 2013

La musique est une incertitude.

Nous avons passé notre vie musicale plongés jusqu'au cou dans cette incertitude, au point de nous noyer parfois dans le doute, un doute affreux qui nous prive de tous nos moyens. Il nous arrive de douter de chaque nouveau morceau, de chaque nouvel arrangement, même les meilleurs. On doute parfois de la moindre improvisation. Un jour, en écoutant un CD après enregistrement, je me suis senti en déprime totale. "Cet enregistrement ne vaut pas un clou, il faut le détruire, ou enlever la partie de clarinette." Les autres musiciens ont du déployer des trésors de persuasion et de délicatesse pour me faire changer d'avis. Ils ont même sorti des critiques positives de l'orchestre.
L'incertitude est parfois contagieuse. Elle gagne les musiciens le plus chevronnés, les plus expérimentés. Les grands orchestres sont mieux rodés. Leurs chefs et leurs musiciens ne se posent pas de question. Ils arrivent sur scène et démarrent " automn leaves " comme on met le contact sur un gros 4X4 : un tour de clefs et les 200 chevaux gargouillent sous le capot. Je déteste ce ronronnement. On aime notre incertitude et on veut entendre notre incertitude. On ne doit pas savoir quand l'autre musicien va commencer et ce qu'il va raconter. Et même si, on le pressent, il faut faire comme si on ne savait pas. C'est comme cela que l'on arrive à faire les attaques les plus nettes, les créations les plus folles. Par quelle magie ? Impossible à dire. Il arrive que, sur scène ou en répétition, le petit miracle se produise. Enregistrement de Noël 2012 : pas un gramme de graisse ou de flottement dans les anches, un piano fou et sage à la fois, une guitare inspirée, une basse souple, une trompette fluide et inventive, une batterie brillante et claire, pas un millimètre de jeu dans les improvisations, une écoute admirative des autres, un son d'ensemble. Et la peur que dans un an on doute encore en le réécoutant.

Alex

 

FEVRIER 2013

La musique est une douairière et une salope.
Réflexions après une répétition.

A chaque répétition, on transpire abondamment :
" On perd le tempo, gardons le tempo, le même, ensemble "
On s'efforce de respecter le thème et la mesure. Une tâche impossible.
On échange des phrases.
La clarinette : pas assez détachée, pas assez nette, pas assez affirmée. On doit entendre ta-ta-ta-ta. Je me mords la lèvre inférieure. La contrebasse : effleure plus les cordes sans les tirer. La trompette : plus légères les notes. La batterie : laisse respirer des silences !
Il faut de la duplicité dans la musique. La musique est une douairière et une salope. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le grand chef d'orchestre Carlos Kleiber, respectable au plus haut point. Elle exige dans sa pratique la rigueur la plus extrême et comme un abandon. Vous avez déjà écouté un enregistrement de vos répétitions sur fond d'aspirateur ? Essayez. Essayez au moins une fois. Il faut du bruit pour percevoir la musique. Il faut de la rouerie pour faire danser ensemble la douairière et la salope. Le cerveau droit imagine des modulations et le cerveau gauche martèle la mesure avec rigidité. Le cerveau droit ordonne : suivez le tempo, travaillez le métronome. Tandis que le cerveau gauche susurre : plus de lenteur, plus de tendresse, plus d'imagination. Le Jazz est un et divisé.
Et lorsqu'on maitrise la partition sur le bout des doigts, on se dit " bon, maintenant mettons un peu de malhonnêteté dans notre musique ".
Et la répétition commence. Répéter ne veut pas dire reprendre cent fois les cinq mêmes mesures. Répéter veut dire tenter. Tenter quelque chose de nouveau et de proprement inouï. Il faut tout essayer pour avancer. Il faut oser démarrer si doucement que même en tendant l'oreille, pendant quelques mesures, il est impossible pour une oreille normale d'entendre quoi que ce soit. Il faut qu'on cherche à entendre et qu'on n'entende pas. Il faut jouer du silence.
Et puis, parfois, d'un coup, le petit miracle se produit et tout devient clair et évident. Et la tension est telle qu'à la moindre plaisanterie, même grasse, on rit à en avoir les yeux qui pleurent ! Le bonheur.

Alex