JAZZ et CONTES 2004


LES TEXTE DE "L'ENCRE BLEUE"

L'Atelier d'Ecriture de cette association gaudoise a préparé les "Rencontres Jazz & Conte" a sa manière, en concoctant une série de superbes textes.

En bonus, des textes écrits en "live", au So What, pendant les concerts du "Groupement des Libres Improvisateurs" et de GREOR

Association l'Encre Bleue - La Gaude
Tél. 04 93 24 44 39

 

 

Lorsque la Compagnie So What nous a demandé de participer aux "Rencontres de Jazz 2004 - Jazz et Contes", nous avons tout de suite compris qu'il s'agissait d'une opportunité pour aller explorer un univers très éloigné du nôtre.

En effet, comment intégrer les lois du Jazz dans nos consignes d'écriture ? Comment utiliser une musique, une ambiance, comme pré-textes à nos textes ? C'était là une grande première !

Tout d'abord nous avons un peu élargi le terme " contes " car il était trop restrictif pour nous et l'avons remplacé par " textes ". Nous avons donc essayé de produire des textes ayant un rapport avec le monde du Jazz en général et les Rencontres de La Gaude en particulier. Tâche très ardue pour des amateurs de Jazz non musiciens !!!

Plusieurs pistes ont été explorées et les quelques textes que nous vous proposons ici ont été :

- inspirés par des musiques de jazz ( par exemple : " So What " de
Miles Davis, " Sa vision sur le Mur " d'Henri Roger)
- par des formations (" A Tree for Two ", le " So-What ")
- par des portraits de musiciens : " Amstrong, Nougaro, Miles
Davis "
- par des instruments (" la contrebasse ")

C'est une modeste contribution à cette belle fête du Jazz de la Gaude, qui donne à l'automne de bien chaudes couleurs.

L'ENCRE BLEUE

 

 

AMESKERI (musique de Sylvain Luc - Trio Sud)

 

Même s'il rêve d'Andalousie,
de Rodrigo, de Django,
de Villa Lobos,
Pas de jalousie,
La guitare ne sait pas la différence,
Elle sonne, résonne en mille transes.

Même s'il rêve au sommet des cimes,
Ameskeri, Ameskeri
de France, ou d'Euskadi
Pas de jalousie,
La guitare ne sait pas la différence
Elle s'accorde, se raccorde en mille harmonies

Ce n'est pas un crime si le Sud l'inspire,
Musique d'ici ou d'ailleurs,
Ameskeri, Ameskeri
Songe d'un monde meilleur
La guitare ne fait pas la différence
Elle chante, enfante nos songes, Ameskeri

A. Z.

 

 

APOCALYPSO (musique de Charlie Laz - " A tree for Two ")

Jour de septembre

Matin du Onze

New York - World Trade Center

Les Tours Jumelles bourdonnent

Des milliers de gens s'affairent

 

De nulle part, deux avions !

Que se passe-t-il ?

Un grand bing !

Que se passe-t-il ?

Un big bang !

Apocalypse ?

Que se passe-t-il ?

Tout s’éclipse

            Que se passe-t-il ?

Tout s’effondre

            Que se passe-t-il ?

Tout syncope

            Que se passe-t-il ?

Tout suffoque

Apocalypse – Apocope - Apocalypso !

 

Jour de septembre

Matin du Onze

New York – World Trade Center

Les Tours géantes s'affaissent

Des milliers de gens s'effondrent

 

Enfin le silence

Que sont-ils ?

Plus personne

Que sont-ils ?

                        Cendres

                                  

Apocalypso                          

Que reste-t-il ?

Ipso facto,

Rien

zéro

Que reste-t-il ?

un trou béant

un cratère

Ground zero

 

Jour de septembre

Matin du Onze

New York - World trade Center

 

Des milliers de cendres retombent,  tombent -  Tombes

 

 

 

  SA VISION SUR LE MUR  (musique d’Henri Roger- « So-What »)

Il est entré dans la salle de musique. Décor 19ième siècle. Boiseries,  objets d'art, tableaux de Maîtres. Odeur d'encaustique des siècles passés. Silence palpable. Acoustique parfaite.

 

Du regard, il a fait le tour complet de la pièce. Au centre, le piano, objet de sa raison d'être là. Sympa cette idée de répéter dans un tel décor. Un peu intimidant, décalé. Que vont dire les autres ? Il imagine Jean-Marc avec son air ahuri (c'est trop joli pour lui). Alex, un peu blasé, (il en a vu d'autres !). Cédric, un peu perdu (pas sa place ici), Laurent, cool, (toujours à l'aise partout). Et Thomas ? Difficile à dire… faut voir.

 

Ils arrivent dans une heure. Pas de temps à perdre. Répéter, travailler, toujours et encore... Et pourtant, là sur le mur en face du piano, une réelle présence, le regard d'une femme. Belle, forcément belle avec sa coiffure romantique. Yeux noirs, bijoux, robe bleue. Noblesse du visage. Perfection des mains. Harmonie de l'âme.

 

Il lui parle : Madame, je vais jouer pour vous, si vous le permettez. Aimez-vous Bach ? Chopin ? Brahms ?

Il retrouve ses classiques avec une joie juvénile. Heureusement qu'il est seul ! Si les autres le voyaient ! Il entend leur sarcasmes. Leur humour caustique. Tu vas nous faire chialer ! Tu nous fous le bourdon !

 

Qu'importe il continue son hommage musical. La vision sur le mur l'encourage. Qui est-elle ? Quelle est son histoire ? Quel est son nom ? Etait-elle vraiment aussi belle ? Et si ce n'était qu'illusion de peintre ? Elle a sûrement existé avec ses imperfections mais lui, le peintre, avec sa vision, il a su dépasser les contingences. Il a fait oeuvre originale. Et le mur est vivant de sa vision.

 

A présent il s'adresse au peintre. Toi l'artiste, tu m'as touché avec ta vision sur le mur. Puis il ferme les yeux, laisse son coeur et ses mains parler. Parler de la beauté. Parler de l'inspiration. Parler de cet instant si ténu de l'illumination.        

 

Derrière lui, ils sont cinq à retenir leur souffle, toute la bande du So-What. C'est bien la première fois qu'ils voient Henri comme ça ! Alors levant les yeux ils découvrent la vision sur le mur. Ils ont compris. Ils se sont tus. Ils savent qu'ils entendent la nouvelle composition du pianiste. Sans doute la plus parfaite,  la plus inspirée. Faudra être à la hauteur.

 

Bon, maintenant il va falloir le réveiller en douceur. On n'est pas au Conservatoire !  Quoique… 

 

A. Z.

 SO WHAT ?  (musique de Miles Davis)

         solitude

                          et neige

une nuit de brume

 

                                                                       Je marchais

 

            tristes sapins de Noël

                                                                      

rues vides

                       

          sous le vent

                        suivant un fil de rouille

 

                                                                       je marchais

 

                       un copain me prend le bras

                              allons boire un verre

            bar, chaleur, tequila

                                volutes cuivrées d'un orchestre

                         l'amitié, guirlande

                                                         qui s'enroule

 

            à nouveau la nuit

            à nouveau les rues

                       

          goût acide de la vie

                  au loin, crie une sirène

                                                                       bateau larguant les amarres 

                                  

un appel 

                        une trace 

   point d'interrogation

                                   question

orpheline

                                                                   de réponse                                      I.M.

 

 SO WHAT ?   (impressions sur la musique de Miles Davis)

 

Il fait froid sur la cinquante deuxième avenue

Il fait froid, ils ont fermé la boite

Froid, froid, j'ai froid dans le brouillard

Une ombre marche sur le trottoir

Une ombre glisse, une ombre grise

Il fait froid sur la cinquante deuxième avenue

Il fait noir dans le brouillard, j'ai déjà trop bu

Trop bu, trop bu, je suis dans la ouate

 

Brouillard, brouillard, j'ai déjà trop bu

Une ombre glisse, c'est pas un flic

Les mains s’échangent

Donnant – donnant

Dope-fric

Et puis le silence

Silence amorphe,

Il fait si froid.  Elle m'apostrophe !

 

 

Mon coeur éclate, mon coeur brûle !

Il brûle sur la cinquante deuxième avenue !

Elle est là sur l'avenue !

Elle m'apostrophe, elle m'interpelle !

Comme elle est cool, mon héroïne,

Cool, cool, j’ai déjà trop bu,

Mon coeur éclate, mon coeur brûle ! 

Coule, coule, coule le sang dans mes veines !

 

 

 

Silence dans l'avenue,

Elle est partie, disparue dans la ouate

Il fait froid, mon coeur est nu,

Perdu dans l'avenue, je suis perdu

Il fait si froid dans la cinquante deuxième avenue

Je pleure mon héroïne

Un flic, quelle déveine !

So what !

 

 

A.Z.

 

 

 

A TREE FOR TWO

Quand un batteur rencontre un pianiste

Cela donne un duo. Un-deux, Un-deux. C’est un peu peu !

Quand ce duo rencontre un contrebassiste, cela donne un trio

Un-deux-trois, Un-deux-trois. C’est un peu mieux !

Quand ces trois artistes rencontrent un saxophoniste,

Cela donne un… quartet. Un-deux-trois-quatre, Un-deux-trois-quatre

C’est chouette ! La boucle est bouclée. Le cercle refermé. L'équilibre trouvé

   Mais d'où vient l'arbre ? Est-ce le jour où ils fredonnèrent

  Ce vieil air : Tea for two, and two for tea ?

Est-ce l'arbre de la Justice ? L'arbre de la Paix ?

Est-ce l'arbre qui cache la forêt ?

Je n'en sais rien,

Il faut leur demander

En résumé

Il était une fois un duo

Devenu trio

Et aujourd'hui quartet

Quel casse-tête !

Et symbole

De leur musique

Un arbre unique

Universel

Fraternel

Aux multiples racines

Aux multiples branches

Pour jazzer toutes les musiques du monde

 

 

 

A.Z.

 AU SO WHAT

 

Le jazz est là

S'enlace, vous délace les godasses

Vous délasse…

 

Les jazz mènent la danse

                   Transe et rythme et blue

 

Ebloui ce sax pas dégueulasse !

                                     La classe !

 

J'm'efface de la glace, c'est chaud

                                           c'est beau

                   Clair et net

La guitare aussitôt  contre lui

                                      Contrebasse

 

C'batteur bat l'bon beurre

C'batteur m'bat l'coeur

 

                   Coda

 

Silence. Le silence est un glas

 

Mais revit le bravo

 

 

B.J.

 

 

 

 

 VOYAGE AU COEUR DU JAZZ

 

Le So-What a largué ses amarres

Les notes éclatent en couleur

Il pleut des rythmes endiablés

Cerceaux dynamiques et bruyants

L'un vers l'autre allant

Sous l'assaut des rythmes

Mon corps se craquelle

Je n'entends plus battre mon coeur

J'ai écouté jusqu'au vertige

Jusqu'à ce que les sons s'invalident

S'éloignent, épuisent l'infini

Silence

J'entends à nouveau battre mon coeur

So What… So What… So What…

 

 

 

C.M.

 

 Coursegoules et trois garçons dans le vent

Il était une fois dans l'arrière-pays niçois un village au nom bien sonore, Coursegoules, adossé au Cheiron, et trois garçons qui y passaient  vacances et  fins de semaines.

 

Ils aimaient la course dans cette montagne aux forces magnétiques, mégalithiques, sensibles aux vibrations d’un monde énigmatique.

 

Ils aimaient pareillement se fendre la goule, chanter et souffler à pleins poumons dans leurs harmonicas les airs des idoles de ce temps-là.

 

Ils aimaient cette terre aride, les cailloux du chemin, la rigueur des saisons, le vent de mer au goût de sel, le vent de terre à la farigoule.

 

Tant de beauté leur donnait des ailes. Ils s'imaginaient comme l'engoulevent, voler au dessus du Cheiron, descendre vers la côte jusqu'à la mer, et partir loin, très loin jouer leur musique, jusqu'en Amérique dans les Bayous du Mississipi. C'était les années soixante…

 

Il y avait Alex, Jean-Marc et Laurent… trois jeunes garçons dans le vent.

 

Mais la vie a ses vicissitudes, les études, un métier. Ses joies aussi, créer une famille… et toujours la musique, la chanson sans oublier la bonne chair, de nouveaux amis, … Coursegoules  et le Cheiron toujours…

 

Après de nombreuses tribulations musicales (et culinaires), c’est au pied des Baous qu’ils trouvèrent enfin,  un havre de paix, le « So-What »  pour partager leur passion de la musique, leur passion de la vie, en toute amitié.  Les années quatre-vingt dix…  déjà…

 

Mais ils n’ont jamais oublié Coursegoules et leurs jeunes années.  C’est là qu’ils vont se ressourcer, qu’ils vont retrouver le souffle et l'inspiration du temps où ils étaient trois garçons dans le vent qui aimaient courir dans le Cheiron. 

 

Aujourd'hui, il y a Alex, Jean-Marc, Laurent, Cédric, Henri, Thomas et les autres, le Jazz, l'amitié, et toujours l’esprit de Coursegoules qui coule et souffle jusqu'à la rue Ponzone.   

                           

 

 

A.Z.

 

 LOUIS AMSTRONG

Il faisait chaud à New-Orleans

            la belle aux langueurs tropicales

Il faisait chaud à New-Orleans

            quand tu jouais du cornet à pistons

Tu swinguais,

            Sur l’éclat de tes notes brûlantes

                        La ville entière s'envolait

Tu swinguais,

            Etincelles  violettes

                                                           Ecarlate

                                   Safran

Tu swinguais,

                        Et la ville entière tanguait

 

Il faisait chaud à Chicago

            Asphalte gangsters prohibition

Il faisait chaud à Chicago

Lorsque dans les boites de nuit

Tu swinguais,

            Toi, félin magnifique,

            Toi, panthère arpentant la jungle des sons,

                        Scatt, Break,

Voix de velours et de lave

                                   venue du profond de la terre

Trompette de feu, d'amour et de sang

            Tu swinguais,

                                   Et le grand coeur de l'Afrique vibrait

 

Il a toujours fait chaud dans ta vie

            Aux quatre cambrures du monde,

                        à la lisière de tous les archipels,

Toi,

            Jongleur d'univers

Tu as swingué

Ta trompette disait l'ouragan et le fleuve,

                                                           le baobab, le ciel

                                                                       le volcan.

Tu chantais

            De l'amour

                        les sentiers rocailleux

            De la nuit

                        les soleils

Tous les hommes étaient frères

            On finirait par gagner

Tu swinguais,

            Et la terre entière tanguait

 

Un jour il a cessé de faire chaud

            Marbre et cire tu gisais

Devant toi,

            petit-fils d’esclave

s’inclinait le monde entier                                                                                      I. M.

 

 MILES DAVIS

Il était papillon de satin noir butinant les nuits de Harlem, de Brooklin,

      du Bronx, de Manhattan,

52ème  avenue, cool, hard,

         modal ou fusion

 

Il était flegmatique passion

         aristocratique

désinvolte flirtant avec les empyrées des sons

         galaxies en cavale

         lointaines idoles

                                               domptées

 

Il était cygne noir

         glissant sur des lacs embrasés

                                               de fleurs neigeuses

notes au long col étiré     

         s'élançant vers le bord coupant des étoiles

    ascenseur pour l'absolu

s'élançant  effilées fuselées fluides éphémères

         longues silhouettes de femmes à la Modigliani

    courant folles

courant

                   à la poursuite

                            des nuages

 

Il était démiurge alchimiste

                   trompette aux claires sinuosités

         acérées et brumeuses

                            bleutées

       archangélique

 donnant corps

                   de musique

               à l'acide au miel

   au sacré au profane

            au lointain à l'ici

froides ferveurs

                   sous contrôle

fièvres glacées

 

Il était le penseur le rêveur le joueur l'annonciateur

         le poète

 

de New-York à Paris

 

Il était Prince noir

                            de la nuit

I. M.

 

 RAY CHARLES

T'as fichu le camp Jack

Et tu ne reviendras plus !

 

Depuis longtemps déjà,

Tes yeux s'étaient fermés,

Tu vivais dans le noir,

Noir autour de toi,

Noir en toi,

Noires tes grosses lunettes d'écailles

Où se reflétaient toutes les lumières de la scène.

 

T’as fichu le camp Jack

Et tu ne reviendras plus !

 

Toutes les lumières de la scène en toi se reflétaient,

Et tu irradiais !

Joie sur le visage,

Allégresse dans le geste

Scintillement sur le vêtement

Blancheur du sourire, éclat du rire

Et l'arc en ciel dans la voix.

 

T'as fichu le camp Jack

Et tu ne reviendras plus !

 

What'd I say ! Qu'est-ce que tu disais!

You don't know me. On ne te connaît pas !

 

Tu nous berçais dans tes blues,

Tu nous déhanchais dans tes rythmes,

Tu  nous brinqueballais dans ton Jazz

Nous saoulais de ta Soul

Nous rendais amoureux dans tes «  slows »

 

T’as fichu le camp …..

F.G.

 Hommage à CLAUDE NOUGARO

Ce soir, la Coupole se prend pour le Capitole

La Garonne descend la rue Ponzone

Le jazz fait sa java…

 

Ce soir, nous sommes de Toulouse

Nous sommes enfants du blues

 

Ce soir,  les mots se prennent pour des notes

Mais la rime décroche et le rythme ricoche

 

Tout ça parce que Nougaro

A rejoint tout là-haut

Amstrong, Ella, Buddie, 

Faire un boeuf, faire une teuf

Dans la galaxie

 

Silence, j'entends sa voix  :

 

Amstrong, ce soir, toi et moi
         On n'est que des mots
         Est-ce que les tiens sont noirs

C'est pas rigolo

Allez Louis, Alléluia
Au-delà de nos solos
Toi et moi jazzons tous deux
Comme deux notes…   bleues….

 

                                              

Nougaro t'as toujours du talent

Chez toi, musique et mots s'escriment

Ta langue française à l'épreuve du rythme,

Nougaro t'as toujours du sentiment

L'amour, l’amitié et Toulouse s'embrouillent

Ton coeur d'homme à l'épreuve du Blues

 

Ce soir, nous sommes de Toulouse

Nous sommes enfants du blues

 

Au revoir, Nougaro

De là-haut, tout là-haut

Fais-nous un signe

A.Z.

 

 LA CONTREBASSE

Il était une fois, une contrebasse

qui avait contracté une contracture causée

par une contrariété dans la signature d'un contrat

de collaboration avec une cantatrice contralto.

Car ce contrat, à contre-courant, était trop contraignant

pour la contrebasse, il était même le contraire de ce

qu'elle avait escompté  en le contresignant de son

contreseing. On infligea une contravention à la contralto,

qui, d'ailleurs, s'en contrefichait. Mais le contrecoup de cette contredanse, à contre-emploi, fut de contredire, voire de contrer la contre-enquête diligentée sur cette contre-performance musicale. Mettant à profit ce contretemps, la contralto engagea une contre-offensive en exécutant une contrepartie, autrement dit un contre-chant, dans le contrepoint final. La contre-réaction ne se fit pas attendre, et, contre vents et marées un contre- pouvoir se mit en place, contrebalançant les effets de cette controverse. Un contrôleur fut chargé d'apporter sa contribution, en quelque sorte une  contre-révolution. Opérant à contre-jour et dans une course contre la montre, tout retard étant contre-indiqué, il effectua une contre-expertise contradictoire du

contrat qui fut déclaré caduque. A contrecoeur la contralto

dut reconnaître vouloir contrecarrer la carrière de la

contrebasse et contrite, donna sa démission

 pour s'engager dans le

contre-espionnage !

 

Elle y fut malheureuse

et n'eut pas beaucoup d'enfants !

 

 

 

R.M.

 

 Jazzie Cool ou la répétition foireuse

Mario, sportif italien longiligne dégarni extraverti clarinettiste amateur de jazz victime de son catarrhe chronique, saute essayer sa voiture toute neuve avant de rejoindre ses copains pour une répétition.

Déjà trouver une route droite dans les Alpes-Maritimes…

Il soliloque :

« Che bella ! Jazzi Cool pour un Jazzy Fool ! ma Jazzibel vrom, vrom, roule !

Cool ! contact, musique !

Pas si cool que ça, on a un bon quart d'heure de retard quand même.

Ma mélodie, ma fantaisie, quel brio ! On fait un chouette duo. Allons Moderato, poi Largo, Allegro, Fortissimo. »

 

Il accélère au maximum et, tout en expectorant une partie de ses bronches, poursuit à bout de souffle : « Con fuoco mais gare aux radars ».

 

Echanges passionnés entre le moteur, la caisse et la partition. Accélérations fulgurantes puis frôlements de la pédale en réponse aux soupirs, aux extases du morceau préféré.

Accompagnement de la nuque et des pieds en mesure ou à peu près. Il roule en majeur, en mineur, épie le compte-tours et tambourine à l'unisson sur son klaxon.

Il teste dans un tourbillon de poussière ses ABS sur les gravillons du gymnase où il se précipite. Il roucoule : « Jazzicool, Jazzigood, jazzibel », coupe le contact et la musique. Clin d'oeil à la fière cylindrée.

 

La formation ne l'a pas attendu pour jouer.

 

Le copain au piano, c'est un gros costaud. Il écrase les notes tandis que sa boule à zéro assassine le tempo.  Celui de la batterie, Jérémy, frise l'hystérie, la crise d'apoplexie. S'il joue comme ça samedi il va faire fuir le Rotary.

On voit que le trombone, issu de l'hexagone, s'est juste arraché de son Côte du Rhône. Il joue les cyclones. Il tonne, détonne, il en fait des tonnes.

Le contrebasse, hélas, manque de classe. Il reste de glace, agace. 

Quant au retardataire, il caresse les fossettes de sa clarinette, tire ses chaussettes et se joint à cette répète casse-tête. Désolé d'éternuer, de larmoyer, de grasseyer, de trompeter, il va quand même essayer.

 

Premières mesures très peu sûres. Rythmes, accords, harmonie, éternuements à contretemps du fiévreux catarrheux.  Les possédés de musique swinguent corps à corps avec leurs instruments. OH, YEAH ! OOOOOOH YEAH ! SOOOOOO  WHATWHATWHAT ! mais le malheureux catarrheux qui embouche sa clarinette tout en profitant d’une gamme de toux pour remonter ses chaussettes, sent bien qu'il est le trouble-fête et rêve de prendre la poudre d'escampette. Les autres musiciens survoltés font assaut de virtuosité. Les doubles-croches percutent les triples croches, s'entre-crochent et ce n'est plus moderato mais plutôt allégro, fortissimo au kilo. On croirait entendre l'artillerie, un vrai charivari, une cacophonie entre hystérie et apoplexie.


Le quintet a perdu le tempo, les musiciens improvisent et jubilent dans le désordre, l'ivresse et la folie alors que le Chef, entre deux quintes du clarinettiste, commente désabusé :

«  A en avoir une syncope !

c’est lamentabile »    LA MEN TA BI LE !   

MSC

Textes « provoqués » par les concerts des 24 et 25 novembre 2004 au So-What

Le premier GLI

 

Le premier glissement des sons et leur conjonction – tintements de clochette, battements de battoir – indiqua le départ de toute l’histoire. C'est l'histoire d'en bas, vue d'en haut.

 

En bas, la cacophonie des minéraux en fusion, la folie de l'eau primaire, le frottement des cristaux en fureur – frayeur ?

 

En haut, le silence des étoiles, avec dans l'espace sidéral, des graines d'espèces sidérées à considérer pour le futur de notre histoire.

 

Pourquoi regarder en bas, alors que là-haut… tout tourne rond : les particules autour des noyaux, les électrons, les protons, les photons sur leurs orbites en apesanteur – bonheur ?

 

En bas, le concert des petits batraciens – de gluantes petites grenouilles vertes – domine le cri des oiseaux dans le frôlement affolé de la chlorophylle. Un cri parfois s'articule dans la mangrove et s'englue…  Nouveau défi ? Nouvelle espèce ?

 

Combien de hasards pour formuler du sens ?

Combien de conjonctions de sons et de molécules pour organiser l'essence du monde ?

 

En bas, c'est la fête : des voix s'élèvent, des mains frappent en échos, les grenouilles se taisent, les oiseaux s'apaisent. Les hommes lèvent les yeux : au dessus de la canopée, ils ont vu Cassiopée  et l'espace sidéral. Infinie solitude.

 

Puis c’est l’agonie – lente agonie dans l'Amazonie.        

 

L'histoire continue, l'homme brûle, tue, articule des sons, prend conscience de sa finitude dans le dernier glissement du sens.

 

Arlette Zinn

 

Soirée Jazz et contes
Gréor et Catherine Roche
Au So-What - Jeudi 25 novembre 2004

Ce soir Gréor et Catherine Roche libèrent toutes les couleurs !

Couleur Or pour Gréor : orpailleur ? Non, orfèvre le saxo ! Il nous enlumine, nous illumine de pépites d'or ! Fermons les yeux, nous sommes à Cimiez dans l'or de juillet !

De l'or encore pour Catherine Roche avec le trésor dans le four au bon pain doré, les gouttes de miel sur les antennes du scarabée. Fermons les yeux, nous sommes à Cracovie, voyageurs hors du temps.

Couleur Grise parfois pour Gréor quand la musique se fait lente, et triste mais pas pour longtemps car comme dans les contes de fées, la fin est toujours douce et jubilatoire.

Grise la tour pour le prisonnier mais de fil en fil, de soie en coton, de lin en corde, il renoue avec la liberté, comme la musique déroule sa ligne mélodique de cordes en cordes, d'accords en accords. Il suffit de tirer le premier fil pour que la mélodie s'enchaîne, déchaîne le musicien prisonnier de sa tour d'ivoire.

Enfin, couleurs multiples pour le bouquet final et sa morale : diminuer, diviser, dédoubler. Toujours trop de fleurs ? Trop de notes ? Trop de mots ?

Ecourter, élaguer, épurer, éluder, laisser de l'espace et du silence. Se taire pour laisser résonner (raisonner ?) les mots, les sons, les sensations, les évocations, les souvenirs, les couleurs…

Coupez ! Stop !

Trop de mots pourraient ternir cette soirée qui s'ordonne en un bouquet parfait !

Arlette Zinn

Au So-What
Soirée Jazz et contes du jeudi 25 novembre 2004
Avec Catherine Roche (Conteuse) et le GREOR Quintet

Courbes et rondeurs,

C'est la voûte de la cave qui arrondit les angles, c'est l'ovale du saxophone qui arrondit les sons.

C'est le rond de la lune qui par la grâce des courbes de la conteuse donne au petit laboureur la fille du Roi.

Je ne sais plus qui de la rondeur de la contrebasse ou des courbes de ses cordes m'a envoûté ce soir-là.

Dix-sept chameaux à partager ne font pas un compte rond mais au fait… les bosses seraient-elles arrondies par les courbes des dunes ?

Les notes rondes ou courbes s'égrènent joyeusement sur le piano… droit !
Dans l'arche du pont de Prague se cache peut-être un trésor à moins que ce ne soit dans la rondeur du four à pain que se trouve le bonheur de Yésik…


Patrick Monrolin

 

Jeudi 25 novembre 2004 au So-What

 

Le saxophone de ce soir-là

                               de ce concert-là

 

J’avais la plume en main prêt à m’envoler… au début j’ai pu rien écrire : le sax s’est mis à faire une sorte de figure en clé de sol… c’était la seule chose que j’aimais pirouetter au début collégien sur mes portées de solfège

                  

J’ai rien pu écrire, c’était tellement beau, ce truc en cuivre, réflexif, jouissif, si frais, si frêle, si doux… c’était beau comme de la musique, puis après ce même cuivre il a voulu jouer au jazz… (j’aime quand le jazz n’en fait pas, qu’il se contente d’être beau à mes oreilles, miel aux dieux, mélodieux !) et alors là ça m’a moins plu…

 

Je suis devenu tout aussi muet de la plume… j’me suis tu… et j’ai presque plus rien écouté… j’ai fait que regarder l’instrument.

         C’était un feu, pas un cuivre !

         Il est devenu un long bijou : une broche en or pur…

Après qu’il ait encore vociféré du jazz avec ses collègues, il a rechatouillé ma trompe d’eustache en solo.

         Rien que pour moi certainement…

 

Bon, c’était mon état « dame » ce soir-là, mais dame que c’était beau !

 

 

         De l’âme en plus

                   Du bonus d’ange…

 

                            Mais

                            Ou

                            N’était-ce pas plutôt un satyre ?

 

                   Au fond du son,

                            Etait-il sax ou faune ?

                           

Bernard Jeanclaude